Le Dr Patrick T. Kagurusi est conseiller technique du programme de santé reproductive, maternelle, néonatale, infantile et des adolescents (SRMNIA) à Amref Health Africa et est basé à Kampala, en Ouganda. Suivez Patrick sur Twitter, à @pkagurusi. Jennifer Foulds est directrice des communications et des relations publiques à Amref Health Africa au Canada, et est basée à Toronto. Suivez AMREF Health Africa au Canada sur Twitter, à @AmrefCanada.
Dans une région montagneuse du sud-ouest de l’Ouganda, la santé des mères et des nouveau-nés s’améliore grâce à un outil innovant qui apporte de l’énergie solaire durable sur le plan environnemental aux centres de santé qui n’étaient plus éclairés après le coucher du soleil.
L’outil? La mallette We Care Solar, un système électrique solaire autonome conçu pour appuyer les soins de santé maternelle et infantile. Il alimente l’éclairage médical, un moniteur de fréquence cardiaque fœtale, les téléphones cellulaires, les lampes frontales et un ordinateur portable programmé avec du matériel pédagogique, ainsi qu’un système de dossiers médicaux électroniques – tous essentiels pour permettre aux travailleurs de la santé d’aider les mères à accoucher en toute sécurité.
Mais la mallette solaire produit plus que de l’électricité. Comme l’ont appris AMREF Health Africa et ses partenaires au fil du projet de trois ans financé par le partenariat Sauver des vies à la naissance, la disponibilité de l’éclairage dans les centres de soins de santé peut avoir un effet en cascade conduisant à des changements de politique et de comportement importants qui sont essentiels au maintien d’améliorations durables en santé maternelle, néonatale et infantile.
Installation de panneaux solaires sur les toits des établissements de santé dans la région montagneuse du sud-ouest de l’Ouganda. Photo gracieuseté de We Care Solar®
La puissance de la lumière
Le manque d’électricité est un obstacle important pour les travailleurs de la santé en Ouganda, où 55 % des établissements n’ont pas d’éclairage en soirée.
Le manque d’éclairage a des conséquences directes pour la santé des femmes et des enfants dans les communautés environnantes :
- Les agents de santé choisissent souvent de rentrer à la maison quand il fait noir parce qu’il est trop difficile de travailler sans lumière. Les femmes enceintes qui se rendent dans les centres de santé durant la nuit et qui constatent qu’ils sont vides choisissent souvent de ne pas y retourner et accouchent plutôt à la maison, où des complications mineures peuvent être mortelles.
- Les agents de santé qui restent pour fournir des services dans l’obscurité sont incapables de procéder à des interventions de base parfois vitales, tels que le diagnostic et le traitement des complications, la suture de lacérations ou la réanimation des nouveau-nés qui ont de la difficulté à respirer.
L’électricité a alors le pouvoir d’opérer un changement durable sur le plan de la santé. Mais, comme le savent bien les responsables du projet Sauver des mères et des bébés avec de l’énergie solaire fiable, mais non par elle-même.
Avant la mallette solaire, Claire, une sage-femme, devait utiliser une lampe à pétrole pour s’éclairer dans l’établissement de santé où elle travaille. Photo gracieuseté de We Care Solar®
Dynamiser l’intégration pour promouvoir la durabilité
Le projet Sauver des mères et des bébés avec de l’énergie solaire fiable visait à fournir 147 mallettes solaires à 100 établissements de soins de santé éloignés de quatre districts de l’Ouganda – Kabale, Kanungu, Kisoro et Rukungiri.
En plus des mallettes, We Care Solar a donné de la formation aux professionnels de la santé et aux techniciens locaux sur la façon d’installer, d’entretenir et d’opérer ces dispositifs. Les responsables du programme ont travaillé avec les établissements de santé pour qu’ils prévoient dans leur budget les besoins futurs, par exemple les piles et les réparations, et trouvent des fournisseurs locaux qui pourraient leur procurer des pièces de rechange clés en cas de besoin.
Une mallette We Care Solar® à l’un des établissements de santé. Photo gracieuseté de Amref Health Africa en Ouganda
Au-delà de la salle d’accouchement : susciter des changements au niveau des politiques
Le système de santé lui-même nécessitait un renforcement dans des domaines clés pour que les avantages de l’électricité se traduisent en vies sauvées. C’est là qu’est entré en jeu Amref Health Africa en Ouganda.
Grâce à son expertise dans la prestation de services de soins de santé, Amref Health Africa a fourni une formation spécialisée en soins obstétricaux et néonatals d’urgence à 471 travailleurs de la santé. Après la formation, ces travailleurs de la santé ont été en mesure de surveiller le travail, d’effectuer des accouchements propres et sécuritaires, de gérer des complications telles que le saignement postnatal, de prévenir les infections chez les mères et les nouveau-nés, de réanimer des nouveau-nés et de fournir des soins postnatals essentiels. Amref Health Africa a aussi formé 400 agents de santé communautaires pour aider les femmes enceintes et leurs bébés à rechercher des soins en établissement, selon le cas. La formation des agents de santé a porté sur la mobilisation communautaire, l’identification des signes de danger pour la mère et le nouveau-né, la référence de cas et la collecte de données pour fournir des renseignements vitaux aux Ministères de la Santé local et national.
Des travailleurs de la santé reçoivent une formation spécialisée sur les soins maternels et néonatals. Photo gracieuseté de Amref Health Africa en Ouganda
Jusqu’ici tout va bien; mais le projet a dû aussi travailler directement avec les communautés en appuyant la mobilisation afin de garantir que les droits en matière de santé sont continuellement respectés par le gouvernement local, notamment en assurant qu’un nombre suffisant d’agents de santé soient engagés dans les établissements de santé par les autorités locales.
C’est l’expertise que la White Ribbon Alliance of Uganda a apporté au projet. Celle-ci a organisé des dialogues communautaires dans chacun des quatre districts pour que les gens puissent évaluer les services fournis par le gouvernement local. Les services de santé maternelle, néonatale et infantile ont obtenu un score très faible, ce qui a mené à des efforts de mobilisation communautaire afin de démontrer aux autorités locales la valeur et l’importance d’investir dans la formation des agents de santé pour promouvoir la santé des mères et des bébés. Après tout, à quoi sert l’électricité s’il n’y a pas assez d’agents de santé formés pour répondre aux besoins des communautés?
Des résidents du district de Kabale participent à un dialogue communautaire. Photo gracieuseté de White Ribbon Alliance of Uganda
Peut-être plus important encore, l’intégration incluait une collaboration directe avec le Ministère de la Santé de la République de l’Ouganda aux niveaux national et du district – un modèle qu’emploie Amref Health Africa pour aider à faire en sorte que tous les changements touchant à la santé dans les communautés puissent être maintenus longtemps après la fin du projet. En mars 2016, le gouvernement de l’Ouganda a publié un Dossier d’investissement en santé reproductive, maternelle, néonatale, infantile et des adolescents, dans le cadre du mécanisme de financement global du gouvernement, citant le manque d’électricité, d’eau et de locaux pour le personnel comme des « obstacle très importants » à la prestation de services de soins de santé de qualité pour les mères et les bébés, notamment dans les régions rurales et éloignées. Comme le montrent les résultats du projet, la disponibilité de l’éclairage dans les centres de santé incite davantage de femmes à rechercher des soins qualifiés pendant la grossesse et à l’accouchement et permet aux travailleurs de la santé de fournir un service de qualité supérieure. Les résultats indiquent également que la fourniture continue d’électricité à ces établissements et d’autres contribuera à réduire la mortalité maternelle et néonatale.
Succès et leçons apprises : jeter un éclairage sur l’intégration et le partenariat
- Succès : 18 nouveaux médecins et 42 nouvelles sages-femmes ont été recrutés et embauchés. Cela s’est produit à la faveur de la mobilisation de la communauté facilitée par le projet. La demande de changement provenant des communautés a elle-même réduit sensiblement le temps requis pour que les autorités locales dotent les établissements de santé d’agents de santé qualifiés pour offrir des services de qualité. Jusqu’à ce que les membres de la communauté s’expriment, les autorités locales n’affectaient pas le budget nécessaire pour doter pleinement en personnel les établissements de santé, comme l’exige la politique. Le gouvernement du district de Kabale a engagé 200 000 $US sur cinq ans pour soutenir son nouveau niveau de dotation en travailleurs de la santé et de prestation de services. Les plans opérationnels quinquennaux du district incluent du financement pour couvrir les salaires et l’hébergement des travailleurs de la santé, ainsi que les fournitures médicales destinées aux six sites d’intervention nouvellement fonctionnalisés.
Leçon apprise : Dans le cadre du projet, les partenaires ont appris que la mobilisation de la communauté pour demander des comptes aux autorités locales est un élément essentiel pour susciter des changements durables. Dans le cas de ce projet, on aurait pu accomplir davantage si le travail de mobilisation avait débuté plus tôt.
Un des agents de santé recrutés pour travailler au Centre de santé Kihihi IV
- Succès : Augmentation de 30 % du nombre de femmes choisissant d’accoucher dans un établissement de santé de 2013 à 2015. La disponibilité de l’éclairage et de l’électricité, ainsi que la présence d’agents de santé qualifiés ont suscité la confiance de la communauté à l’égard du système local de soins de santé. Les femmes enceintes savaient que si un établissement de santé avait l’électricité, il valait la peine de faire le voyage vers l’établissement parce que des travailleurs de la santé seraient présents et en mesure d’offrir un service de qualité. Il y a eu aussi une augmentation de 27 % du nombre de femmes effectuant le nombre recommandé de visites prénatales (de 2013 à 2015), favorisant une meilleure santé des mères et des nouveau-nés.
Leçon apprise : Le projet a mis en évidence l’importance de l’éclairage pour des soins de santé de qualité, en particulier dans le cadre d’une approche pleinement intégrée visant à renforcer le système de santé et à préconiser que les gouvernements locaux augmentent leurs investissements dans des soins de santé de qualité.
Une mère avec son bébé au Centre de santé Kihihi IV, où elle venait d’accoucher. Photo gracieuseté de Amref Health Africa en Ouganda
- Succès : L’implication des hommes en santé maternelle et néonatale a progressé. Les hommes ont montré un vif intérêt à écouter le rythme cardiaque du fœtus à l’aide du moniteur fœtal alimenté par la mallette We Care Solar. C’est un résultat inattendu du projet. Lorsque les agents de santé ont commencé à remarquer l’intérêt des hommes envers le moniteur fœtal, ils ont encouragé plus d’hommes à venir aux consultations prénatales pour entendre les battements du cœur du fœtus. Les agents de santé ont ensuite profité de l’occasion pour parler aux hommes de planification des naissances et de soins prénatals.
Leçon apprise : Bien que les données montrent que les incitations sont importantes pour impliquer les hommes dans les soins maternels et néonatals, les gestionnaires du projet n’avaient pas prévu que les moniteurs fœtaux capteraient autant l’intérêt des hommes. Il est important d’être ouvert à des résultats inattendus et de les saisir quand ils se présentent.
Parents avec leur nouveau-né à l’Hôpital régional de référence de Kabale. Photo gracieuseté de Amref Health Africa en Ouganda
Ce projet a été rendu possible grâce au généreux soutien des partenaires de l’initiative Sauver des vies à la naissance : la U.S. Agency for International Development (USAID), le gouvernement de la Norvège, la Fondation Bill & Melinda Gates, Grands Défis Canada (qui est financé par le gouvernement du Canada), le Department for International Development (DfID) du Royaume-Uni et l’Agence coréenne de coopération internationale (KOICA). Ce blogue a été produit par Amref Health Africa et ne reflète pas nécessairement les points de vue des partenaires de l’initiative Sauver des vies à la naissance.
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