Chef(s) de projet: Farrah Mateen
La nouvelle application de dépistage, un appareil coûtant 300 $, pourrait hausser de façon spectaculaire le niveau global de diagnostic et de traitement de l’épilepsie, une affection qui touche 1 personne sur 100 – 65 millions de cas dans le monde – et l’on estime que 80 à 90 % des cas se trouvent dans les pays en développement, dont au moins 60 % ne sont pas traités. La forte incidence de l’épilepsie dans les pays en développement est attribuable à des taux plus élevés de blessures à la tête et à certaines infections, notamment le paludisme cérébral.
Des chercheurs de l’Université d’Ottawa vont procéder aux premiers essais de cette technologie au Bhoutan, un petit royaume d’Asie du Sud situé à l’extrémité orientale accidentée de l’Himalaya, enclavé entre l’Inde, le Népal et la Chine.
Bien qu’il y ait deux psychiatres au Bhoutan, on ne retrouve aucun neurologue pratiquant à temps plein dans ce pays de 900 000 personnes ayant environ 10 000 cas d’épilepsie, la plupart non diagnostiqués, selon la chef de projet, Farrah Mateen, neurologue et professeure à l’Université d’Ottawa et au Massachusetts General Hospital de la Harvard Medical School.
Et, ajoute-t-elle, il n’y a qu’un seul appareil d’EEG fonctionnant par intermittence au National Reference Hospital Jigme Dorji Wangchuk, le centre de soins tertiaires de Thimphu, la capitale du Bhoutan.
« L’épilepsie se caractérise par des crises non provoquées et récurrentes et, dans de nombreux pays pauvres comme le Bhoutan, les malades sont stigmatisés et tenus à l’écart. Mal informés, les gens croient souvent que la maladie se transmet par la salive », explique la Dre Mateen. « Ces croyances empêchent les victimes d’épilepsie d’obtenir l’aide dont elles ont besoin pendant une crise, ce qui entraîne de nombreuses blessures graves et des décès, souvent dus à la noyade ou à des brûlures ».
Un EEG détecte les minuscules impulsions électriques produites lorsque les cellules du cerveau communiquent entre elles. En règle générale, un test consiste à placer des électrodes sur le crâne, reliées par des fils à un haut-parleur et à l’appareil d’enregistrement. Les signaux électriques du cerveau sont transformés en sinuosités que l’on peut observer sur un écran d’ordinateur pendant que le patient est invité, par exemple, à respirer profondément et rapidement, ou à regarder un feu clignotant lumineux. La Dre Mateen et ses collègues recueilleront les résultats des tests effectués avec l’application d’EEG, développée avec le concours de l’Université technique danoise à l’aide d’un logiciel à accès libre (qui offre la possibilité d’un déploiement rapide à l’échelle mondiale) pour les comparer à ceux d’équipements fixes plus coûteux. Le nouveau dispositif relie 14 électrodes placées sur le crâne à la prise audio d’une tablette ou d’un téléphone intelligent pour capter l’activité électrique du cerveau. Les données peuvent ensuite être envoyées à des spécialistes pour interprétation via le réseau de téléphonie cellulaire.
Le but ultime est de permettre à un travailleur en soins de santé primaires au niveau communautaire, n’importe où dans le monde, de diagnostiquer des troubles épileptiques. Dans le cas de l’épilepsie, celle-ci peut être traitée avec des médicaments à la fois efficaces et peu coûteux (aussi peu que quelques cents par jour).
Comme l’explique la Dre Mateen : « Nous avons particulièrement hâte d’introduire ce dispositif là où les enfants souffrant de crises et de troubles connexes sont victimes de discrimination, et d’examiner si un meilleur diagnostic atténue la stigmatisation et renforce l’intégration sociale ». Elle considère que l’EEG sur tablette ou téléphone intelligent est une solution efficace à la pénurie de neurologues dans les pays à faible revenu. « Les données montrent que 12 pays africains comptant une population totale de 26 millions de personnes n’ont pas un seul neurologue, tandis que 23 autres pays d’une population moyenne de 5 millions de personnes comptent quatre neurologues ou moins. Par comparaison, l’OMS a signalé en 2004 que les pays occidentaux comptaient en moyenne de 1 à 10 neurologues par tranche de 100 000 habitants ».
« Remplir le monde de neurologues, ce qui suppose une formation d’une décennie ou plus, est impossible. Mais nous pouvons déployer une technologie peu coûteuse et simple à utiliser ».
« Les gens en Asie et en Afrique seront en mesure d’obtenir un diagnostic et, espérons-le, un traitement, au lieu de vivre toute leur vie sans savoir qu’ils souffrent d’épilepsie ».