Chef(s) de projet: Pamela Kaduri, Edmund Kayombo
Problème
En raison des croyances culturelles et du manque de services médicaux en milieu rural, plus de 60 % des Tanzaniens sollicitent des services de soins mentaux auprès de guérisseurs traditionnels, qui sont largement accessibles pour traiter les causes spirituelles de la psychose – un trouble facilement reconnaissable et répandu.
En l’absence de système de soins intégré, les symptômes biologiques de la psychose peuvent demeurer non traités et atteindre des stades chroniques, conduisant à une invalidité grave et de longue durée.
Solution
L’étude pilote menée dans le district de Pangani, près de Tanga, visait à déterminer l’efficacité d’une application mobile pour faciliter la collaboration entre les guérisseurs traditionnels et les professionnels biomédicaux afin de mieux soigner la psychose en Tanzanie rurale.
Le projet visait à accroître le nombre de patients (nouveaux et suivis) souffrant de problèmes de santé mentale qui sont évalués et traités pour une psychose à l’hôpital du district de Pangani.
L’application comprenait un questionnaire de dépistage de la psychose (QDP), culturellement adapté et mis à l’essai par des guérisseurs traditionnels et des professionnels de la santé.
32 guérisseurs traditionnels et 2 professionnels biomédicaux ont participé à l’étude et ont reçu une formation pour utiliser l’application de dépistage et de consultation pour la psychose.
Les personnes recherchant des soins auprès des guérisseurs traditionnels participants ont fait l’objet d’une évaluation préliminaire afin de déterminer l’objet de leur visite.
Si l’évaluation préliminaire de l’observation ou de la plainte principale du patient était associée à des troubles de santé mentale, le guérisseur traditionnel évaluait l’état mental du patient en utilisant la version du QDP sur l’application mobile.
Les personnes qui affichaient un score positif pour un symptôme psychotique identifié par le QDP étaient envoyées à l’hôpital du district de Pangani pour consultation auprès d’un professionnel de la clinique de santé mentale.
Le professionnel biomédical complétait le QDP à l’aide de l’application, faisait un diagnostic et administrait un traitement. Les patients étaient alors redirigés vers leur guérisseur traditionnel par le professionnel en santé mentale durant ou après le traitement biomédical.
Résultat
Les résultats ont montré qu’il est possible de développer la collaboration entre les guérisseurs traditionnels et les professionnels biomédicaux qui traitent la psychose, améliorant ainsi la santé des patients concernés.
Au total, 52 patients ont été repérés par des guérisseurs traditionnels participants durant les 10 mois de la collecte de données.
Des 52 patients sélectionnés, 36 ont été diagnostiqués par les guérisseurs traditionnels comme étant psychotiques et montrant au moins un symptôme (69,2 %). Des 36 patients référés à l’hôpital du district de Pangani pour recevoir un traitement biomédical, 22 (61,1 %) se sont présentés à l’hôpital et ont été traités par des professionnels biomédicaux participant au projet.
L’application a facilité le dialogue entre les guérisseurs traditionnels et le personnel biomédical au moyen de textos et d’appels actifs tout au long de la période d’étude, ce qui souligne la nature collaborative des plans de soins et des approches holistiques de la psychose qui ont été élaborés.
L’intervention a permis d’aider des personnes souffrant de psychose à bénéficier des avantages des deux systèmes de soins.
Les équipes prévoient déployer l’intervention à plus grande échelle dans d’autres régions de la Tanzanie.
L’Association pour la santé mentale de la Tanzanie (MEHATA), les associations de guérisseurs traditionnels (CHAWATIATA et SHIWAVIATA) et d’autres ONG telles que Basic Needs ont exprimé leur intérêt à conclure un partenariat avec l’équipe de l’étude afin d’élaborer un plan de mobilisation communautaire.
On estime qu’une somme de 1 000 000 $ sera nécessaire pour déployer ce projet à l’échelle dans six autres régions du pays.
Des manuscrits ont été écrits pour publication.