Auteur invité


Daudi O. Simba (M.D., Ph.D) est professeur agrégé à l’Université Muhimbili de la santé et les sciences connexes (MUHAS), en Tanzanie. Il est l’un des innovateurs que nous soutenons dans le cadre de notre programme Les Étoiles en santé mondiale, pour un projet visant à améliorer l’accès aux antipaludiques.


La Journée mondiale contre le paludisme (25 avril) est l’occasion de braquer les projecteurs sur l’effort mondial de lutte contre le paludisme. La sensibilisation demeure cruciale. Environ 3,2 milliards de personnes – près de la moitié de la population mondiale – sont à risque de contracter le paludisme. En 2013, il y a eu quelque 198 millions de cas de paludisme, et environ 584 000 décès ont été causés par cette maladie (données de l’OMS). Les chiffres montrent que la grande majorité de ces décès surviennent en Afrique, au sud du Sahara. En outre, plus de 80 % des cas de paludisme mortels se touchent des enfants de moins de cinq ans. Bien que l’infection au paludisme ait considérablement diminué entre 2000 (26 %) et 2013 (14 %), il y a une autre tendance inquiétante qui mérite l’attention : les données sur les ménages montrent qu’entre 2011 et 2013, plus de la moitié des enfants fiévreux traités pour le paludisme n’ont pas reçu le traitement recommandé, qui est la thérapie combinée à base d’artémisinine. Paradoxalement, le fardeau du paludisme semble suivre la «loi inverse des soins», selon laquelle la disponibilité de bons soins médicaux tend à varier inversement avec les besoins de la population desservie (Hart, 1971). Ainsi, les enfants des zones rurales éloignées de la Tanzanie ont le plus lourd fardeau de paludisme, mais sont ceux qui ont le moins accès aux services (Simba et al., 2010).

Training CHWs to provide services in rural remote areas

Des travailleurs de la santé communautaires sont formés pour offrir des services dans les zones rurales éloignées

Ces dernières années, beaucoup d’efforts ont été faits pour améliorer l’accès aux services de santé dans les régions rurales, y compris pour le traitement du paludisme. Un exemple est l’implantation à l’échelle nationale de dispensaires accrédités pour la distribution de médicaments (DADM), des comptoirs pharmaceutiques autorisés à vendre un certain nombre de médicaments d’ordonnance après seulement une brève formation des distributeurs. Le défi reste cependant que la plupart des DADM sont situés dans les secteurs semi-urbains et géographiquement accessibles où les propriétaires de dispensaires ont une marge bénéficiaire garantie en raison de la concentration de la population. Dans les régions rurales éloignées, il y a très peu de DADM, sinon aucun, parce qu’ils ne seraient pas économiquement viables en raison du faible pouvoir d’achat et de la population dispersée. En conséquence, les enfants malades dans les zones les plus reculées n’ont toujours pas accès rapidement (dans les 24 heures) à de tels établissements et à des médicaments vitaux (Simba et al., 2010).

Combinez les motos et les dispensaires de médicaments

En 2013, Grands Défis Canada (qui est financé par le gouvernement du Canada) a appuyé le projet Malaria Drugs on Wheels avec une subvention de démarrage dans le cadre du programme Les Étoiles en santé mondiale. Le projet a été mené par l’Université Muhimbili de la santé et des sciences connexes (MUHAS) et vise à améliorer l’accès aux tests de diagnostic rapide et aux médicaments pour le traitement antipaludique. L’idée générale était de fournir des antipaludiques appelés artéméther-luméfantrine (ALu) au gens qui ont obtenu un test positif pour le paludisme. Les gens ayant reçu un test négatif ou montrant des signes de symptômes graves seraient référés à un établissement de santé.

Cette stratégie novatrice combinait l’implantation de DADM à l’échelle nationale avec le transport par moto, en plein essor en Tanzanie. Ce dernier, appelé bodaboda, a considérablement amélioré l’accès physique aux produits et services dans de nombreuses régions, y compris les villages ruraux. L’idée était de tirer parti du secteur en croissance rapide de la moto en Tanzanie pour accélérer l’accès à des antipaludiques efficaces par le biais de la stratégie des DADM afin de rejoindre les régions rurales éloignées, où la charge de morbidité est élevée mais le pouvoir d’achat, faible. D’un côté, des propriétaires de DADM privés qui ont manifesté leur intérêt à participer au projet et qui avait accès à une moto ont été recrutés. De l’autre, le plan comportait aussi le recrutement d’agents de santé communautaires (ASC) et d’autres entrepreneurs en milieu rural qui étaient qualifiés comme candidats pour la formation DADM, dans les villages situés à 5 km ou plus d’un établissement de santé ou d’un DADM. Les ASC ont reçu une modeste marge bénéficiaire en guise d’incitatif pour les motiver à offrir des services. Ces ASC ont joué un rôle clé en assurant la liaison entre les DADM et les soignants d’enfants malades.

L’accès amélioré au diagnostic et au traitement du paludisme

Le projet Malaria Drugs on Wheels a été en mesure de rejoindre et de fournir des services de diagnostic et de traitement à tous les villages reculés dans le secteur de Masanze du district de Kilosa. Alors que l’accès rapide au diagnostic et au traitement du paludisme était à peu près similaire entre les régions d’intervention et de contrôle avant le projet, il avait augmenté de 65,5 % à 88,1 % après l’intervention.

CHWs in a classroom session

Travailleurs de la santé communautaires assistant à une séance en classe

Des discussions approfondies avec les ASC ont révélé que, contrairement au passé, on n’a observé aucun décès d’enfants de moins de cinq ans associés à la fièvre au cours de la période d’étude de 12 mois. Les soignants ont aussi exprimé un niveau élevé de satisfaction à l’égard de la disponibilité et la de prestation de services.

L’étude a également révélé que, même dans une zone rurale, il y a des gens plus marginalisés que d’autres. Ces personnes résident habituellement dans des endroits difficilement accessibles, ce qui inclut les villages des régions de vallons et de montagnes, ou des localités inondées durant la saison des pluies. Ces secteurs ne sont même pas accessibles en moto et doivent être approchés en employant une méthodologie différente.

Dans l’ensemble, la combinaison des DADM et du secteur en plein essor du transport par moto peut contribuer à assurer que les antipaludiques atteignent les plus démunis; rendant ainsi possible de réaliser le rêve d’une « Tanzanie sans décès dus au paludisme ».


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