Par Gabriella Brent, Sanjana Janardhanan, Lindsay Tuthill, et James Radner
Les crises humanitaires posent des menaces sans précédent à la sécurité, au bien-être et à l’avenir des enfants et des familles. En 2023, plus de 300 millions de personnes vivaient dans des situations de crise, le chiffre le plus élevé depuis la Seconde Guerre mondiale. Au milieu de la dévastation à Gaza, de l’agitation au Moyen-Orient et des urgences persistantes du Soudan à l’Ukraine, en passant par la Colombie et le Myanmar, une vérité s’impose : les organisations locales sont les héros de première ligne qui aident les enfants et les familles en temps de conflit et de déplacement forcé. Déjà immergées dans leurs communautés, les équipes dirigées localement ont un accès immédiat, une connaissance inégalée du contexte et une capacité d’adaptation pour répondre aux besoins dès qu’ils émergent et ajuster leur action si nécessaire. Elles ne sont pas seulement les premiers intervenant·e·s ; elles sont aussi celles·ceux qui restent longtemps après que les caméras se soient éloignées.
Les réponses dirigées localement à travers le monde ont démontré leur capacité à aller au-delà des besoins de base comme l’alimentation et l’hébergement, en intégrant des soins holistiques dès le départ (par exemple, le soutien en santé mentale et social). Les groupes locaux peuvent fournir ce type de soins dans des cadres communautaires de manière adaptée à la culture et en tenant compte des priorités locales.
En Ukraine, Nadia, une femme enceinte de 34 ans, a fui avec sa fille de 5 ans vers un refuge local après avoir été témoin d’une explosion qui a tué sa belle-sœur. Dans le refuge, géré par la Foundation for Migrants, une organisation dirigée par des réfugié·e·s qui fournit des soins aux traumatismes et crée des espaces sûrs pour les communautés déplacées, Nadia a reçu du soutien. Souffrant d’insomnie, de fatigue et de profondes douleurs émotionnelles, Nadia luttait contre la culpabilité du survivant et l’incertitude quant à l’avenir de son enfant à naître. Chaque jour, elle s’inquiétait pour son mari, un soldat actif. L’équipe du refuge lui a offert un lieu sûr où séjourner et l’a invitée à rejoindre un groupe utilisant l’art et la créativité comme outils pour guérir et renforcer la résilience. Ces interventions ont aidé Nadia à retrouver le sommeil, à établir des routines quotidiennes et à se sentir partie intégrante d’une communauté bienveillante qui comprenait son expérience. Cela lui a permis de planifier son avenir et de se préparer à la naissance de son enfant.
L’histoire de Nadia contient des leçons cruciales sur la manière de fournir des soins transformateurs dans les contextes de crise. Premièrement, les groupes locaux peuvent efficacement diriger une réponse humanitaire. Lors d’une situation d’urgence importante et en évolution rapide, il est difficile de se connecter et de fournir un soutien personnalisé à chaque individu et famille. Pour atteindre toutes les personnes dans le besoin, les agences mondiales devraient collaborer et financer les organisations communautaires et dirigées par des réfugié·e·s.
Deuxièmement, la collaboration est essentielle pour fournir un soutien communautaire et culturellement adapté aux familles touchées par les urgences humanitaires. Aucun groupe ne peut y parvenir seul. Lorsque la guerre en Ukraine a éclaté, les gouvernements, les citoyen·ne·s et les organisations civiques à tous les niveaux ont réagi en concert. Ils ont travaillé ensemble pour évaluer les besoins, mutualiser les ressources et répondre aux défis. Amna, une organisation internationale dirigée par des réfugié·e·s, a fourni des formations et un financement aux intervenant·e·s humanitaires locaux·ales comme la Foundation for Migrants et a favorisé des communautés locales de pratique pour un soutien mutuel dans la prestation des soins. Cette réponse collective a permis de créer des espaces sûrs pour que les enfants et leurs familles puissent participer à des activités de guérison basées sur l’identité telles que le storytelling, le rythme, le mouvement et l’art, afin de les aider à libérer leurs traumatismes et à retrouver un sentiment de dignité et de joie. Pour soutenir des réponses efficaces à travers l’Ukraine, Amna a collaboré avec des réseaux mondiaux tels que le Moving Minds Alliance, l’International Step by Step Association, le Early Childhood Action Network et l’Inter-agency Network for Education in Emergencies.
Une nouvelle initiative financée internationalement, visant à appliquer ces leçons, pourrait servir d’exemple à l’avenir. Grands Défis Canada a intentionnellement adopté une approche en coalition dans son travail de développement de l’enfant, ayant travaillé étroitement avec divers bailleurs de fonds, partenaires et organisations locales pour combiner expertise, ressources et soutien afin d’atteindre celles·ceux qui sont les plus proches du problème. Sa dernière initiative, l’apprentissage inclusif en situation de crise, est un partenariat entre Grands Défis Canada, la Fondation LEGO et l’Université Aga Khan. Le partenariat soutiendra des innovations locales axées sur les systèmes, offrant des programmes et des services de développement de l’enfant en bas âge et d’éducation de qualité aux enfants au Liban, en Jordanie, au Kenya et en Ouganda – des pays accueillant un grand nombre d’enfants déplacés et de leurs familles.
Alors que la communauté internationale navigue dans la complexité des contextes de crise, nous devons avancer aux côtés de celles·ceux qui connaissent le terrain. Nous appelons les organisations internationales et les agences d’aide à repenser leurs modèles de prestation en partenariat avec les intervenant·e·s locaux·ales dès le départ. Ensemble, nous pouvons nous appuyer sur des exemples existants et continuer à apprendre les un·e·s des autres. En fin de compte, notre force réside dans la collaboration pour développer des réponses réfléchies qui soutiennent les communautés à guérir des traumatismes liés aux conflits et aux