Grands Défis Canada


Par : Karlee Silver et Jocelyn Mackie, co-PDG, Grands Défis Canada

La pandémie mondiale de COVID a imposé un stress sans précédent à notre santé mentale et à nos systèmes de santé mentale. Et maintenant, après deux années difficiles, l’incertitude suscitée par le variant Omicron pousse encore davantage les Canadiens à éprouver des sentiments d’anxiété et de dépression. Alors que nous vivons une autre période des Fêtes accompagnée d’une hausse marquée des cas de COVID et des avertissements sévères concernant la pression imminente que subira notre système de santé, il est facile de négliger l’impact dévastateur de la pandémie sur notre santé mentale. Les résultats de l’Enquête sur la COVID-19 et la santé mentale menée par l’Agence de la santé publique du Canada et publiés en juin de cette année portent à réfléchir : 19 % des Canadiens ont reçu un résultat positif au dépistage du trouble d’anxiété généralisée (TAG) et/ou du trouble dépressif majeur (TDM), tandis que 6 % des Canadiens ont reçu un résultat positif au dépistage du trouble de stress post-traumatique (TSPT).

Pour les communautés autochtones du Canada, la crise de la santé mentale n’est pas nouvelle, et la COVID-19 n’a fait qu’ajouter à la pression qui s’exerce sur un système déjà aux prises avec un manque de ressources. Même avant la pandémie, les peuples autochtones connaissaient des taux de crainte, d’anxiété, de dépression et de suicide jusqu’à 11 fois plus élevés que les Canadiens non autochtones, notamment chez les 15-24 ans. La COVID-19 est venue exacerber ces défis, alors que 6 répondants autochtones sur 10 ont fait état d’une détérioration de leur santé mentale et de leur bien-être pendant la pandémie. Les jeunes Autochtones sont à un point de rupture et réclament des mesures – leur récente marche à l’Assemblée législative du Nunavut témoigne de la nécessité d’en faire plus.

Le Canada a la chance de disposer de professionnels et de chercheurs en santé mentale extrêmement compétents et dévoués, mais la demande de soutien en santé mentale dépasse de loin la capacité des services disponibles. Le statu quo ne permettait pas de répondre à la demande pré-pandémique et il est encore moins en mesure de suivre la gravité croissante de la crise suscitée par la pandémie de COVID-19.

Nous connaissons les défis qui se posent – et ils sont redoutables, mais quelle pourrait être la solution? Le gouvernement fédéral a fait un premier pas important en reconnaissant l’étendue de cette crise et en nommant l’honorable Carolyn Bennett comme première ministre de la Santé mentale et des Dépendances. Dans sa lettre de mandat ministérielle, publiée le 16 décembre, figurent des appels à l’action pour élargir la portée des programmes existants et introduire de nouveaux soutiens ciblés.

C’est un bon début, mais les solutions incrémentales, quoique bien accueillies, ne suffisent pas. Nous devons mobiliser et appliquer la même ingéniosité, la même créativité et la même urgence qui ont fait surgir un large éventail de nouveaux produits et services médicaux pour garder les Canadiens en bonne santé face à la COVID-19, et appuyer et améliorer la santé mentale. Nous avons besoin d’innovation pour relever les défis en santé mentale auxquels nous sommes confrontés – nous avons besoin de solutions qui transforment la façon dont les gens, les familles et les communautés accèdent aux soins de santé mentale dont ils ont besoin et qui pourraient renverser le cours de la crise nationale de santé mentale que nous traversons.

Même des innovations plus modestes, axées sur la collectivité, peuvent avoir un impact important. Notre pays peut s’inspirer des solutions financées par Grands Défis Canada, comme le « Banc de l’amitié » créé par un psychiatre zimbabwéen, qui fait appel à des travailleurs de la santé non professionnels (dans ce cas, des grands-mères) pour offrir une thérapie cognitive efficace et peu coûteuse aux personnes dans le besoin, à la fois dans communauté, par textos ou en ligne. Cette innovation, validée par de rigoureuses études scientifiques, montre des résultats impressionnants pour atténuer la dépression et les idées suicidaires et s’est répandue à travers le Zimbabwe et ailleurs dans le monde, notamment dans le Bronx.

Nous demandons au gouvernement du Canada d’apporter son soutien à une plateforme nationale d’innovation en santé mentale qui réunirait des chercheurs, des innovateurs et des praticiens, autochtones et non autochtones, au Canada et partout dans le monde, avec les ressources nécessaires pour produire des prototypes, mettre à l’essai et déployer à l’échelle rapidement des innovations transformatrices en santé mentale. Un volet distinct de cette plateforme doit être administré par des leaders autochtones, pour les peuples autochtones, d’une manière ancrée dans les modes de savoir et d’être autochtones. Le Canada doit appuyer des solutions novatrices, capables d’offrir des soins de santé mentale moins chers, plus rapides et de meilleure qualité. Notre santé mentale en dépend.