Grand Challenges Canada


Par Michelle Cruickshank, responsable du programme Santé mentale dans le monde, et Jocelyn Mackie, co-PDG, Grands Défis Canada

Des solutions provenant de partout dans le monde

Un mardi soir, dans le district de Musanze au Rwanda, un groupe d’hommes se réunit pour participer à leur cours hebdomadaire d’éducation à la paternité appelé « Bandebereho », qui signifie « modèle de rôle ». Ils reçoivent une formation sur l’éducation des enfants et les tâches ménagères, ainsi qu’un soutien social les uns envers les autres. Ensemble, ces hommes apprennent à transcender la stigmatisation des attentes sociétales à l’égard des pères et à participer activement au développement de leurs enfants. Un participant de 27 ans remarque que depuis qu’il a commencé à participer au programme, il a assisté à la naissance de son enfant et a aidé sa femme pendant l’accouchement – une activité rare pour les hommes de sa collectivité. Il s’occupe avec confiance de son bébé et de sa femme grâce aux compétences domestiques qu’il a nouvellement acquises.

À environ 9 600 km de là, à Karâchi, au Pakistan, un autre groupe de pères se réunit. Chacun d’entre eux est un nouveau père souffrant de dépression. L’objectif du programme, « Learning Thru Play », est de réduire la dépression paternelle et de doter les pères d’outils cognitifs et comportementaux leur permettant d’être efficaces dans leur rôle de co-parent. À la fin du programme, les pères avaient considérablement amélioré leur qualité de vie en lien avec la santé, leurs connaissances et leurs attitudes positives concernant le développement de l’enfant. Les deux programmes sont appuyés, en partie, par leur ministère de la Santé respectif. Ils sont également soutenus par des investissements du gouvernement du Canada dans le développement international, par le biais du travail que nous faisons à Grands Défis Canada.

Nous pouvons offrir nos propres réflexions sur la façon dont les leçons tirées de ces innovations sociales peuvent bénéficier directement aux Canadiens. L’une d’entre nous est mère et l’autre a consacré sa carrière à promouvoir la santé des jeunes enfants et le bien-être mental des familles. Nous travaillons toutes deux quotidiennement pour soutenir l’innovation en santé publique dans le monde entier. Grâce à notre travail et à nos expériences, nous savons que l’engagement des hommes durant la petite enfance a des effets bénéfiques considérables sur les jeunes enfants, sur les pères eux-mêmes et sur leur partenaire. Des décennies de recherche indiquent que les enfants dont les pères sont engagés ont un QI nettement plus élevé, de meilleures capacités de communication et des interactions sociales plus positives avec leurs pairs. Les mères dont le partenaire est engagé et partage les tâches ménagères éprouvent moins de stress et font davantage appel aux soins prénataux.

Tout comme les nouvelles mères éprouvent des difficultés et devraient recevoir un soutien, les nouveaux pères ont souvent du mal à exprimer leurs sentiments d’épuisement, d’isolement et d’impuissance. Malgré les avantages du soutien accordé aux nouveaux pères, il y a un manque de programmes accessibles au Canada pour améliorer leur bien-être mental et leur capacité à s’engager dans leurs nouvelles responsabilités. L’élimination de l’inégalité entre les sexes et l’amélioration du soutien aux nouveaux pères constituent une étape essentielle vers un meilleur épanouissement des enfants, des familles et de la société.

Parmi les obstacles les plus redoutables à la participation des hommes à l’éducation des enfants figurent les services et les politiques qui soit excluent les hommes, soit n’offrent pas un environnement favorable à leur engagement. Les stigmates sociaux, y compris les normes et les attentes rigides quant à la façon dont les hommes doivent ou ne doivent pas se comporter au sein de la cellule familiale, constituent également des obstacles. Les politiques canadiennes en matière de congé parental, y compris le congé de paternité, sont un bon point de départ.

Cependant, au Canada, les groupes de parentalité et le soutien axé sur les pères sont rares, notamment parmi les groupes sociaux où l’expression des émotions est perçue comme un signe de faiblesse. Reconnaître le père comme un acteur clé de la cellule familiale offre une approche alternative systémique pour répondre aux besoins des pères et les aider à s’engager dans des activités familiales saines.

Les leçons tirées du Rwanda et du Pakistan, où les innovations sociales appuyées par le gouvernement améliorent le bien-être et la participation des pères, offrent des exemples frappants qui ouvrent la porte à une ère nouvelle. Une ère qui valorise les besoins uniques des pères et donne la priorité à la santé physique et mentale de tous les parents. Il faut un village pour élever un enfant – et ce village doit inclure des hommes recevant un meilleur soutien.