Grands Défis Canada


Par : Drew-Anne Glennie, collègue d’été, été 2021 

Filipe Américo Nhassengo – Be Girl, Mozambique

Les femmes, les filles et les personnes de genres divers ont subi de façon disproportionnée les impacts de la pandémie de COVID-19. Les tensions économiques et sociales, conjuguées à l’isolement social et aux restrictions de mouvement, ont entraîné une recrudescence de la violence sexiste, exacerbée par la surcharge de travail des systèmes de santé et de justice. Une étude de l’UNFPA (United Nations Population Fund) a prédit que 15 millions de cas supplémentaires de violence fondée sur le sexe (VLS) étaient attendus tous les trois mois tant que dureront les mesures de confinement. Les fermetures et les perturbations en milieu scolaire – qui touchent 1,6 milliard de jeunes dans le monde – ont entravé l’accès à une éducation sexuelle complète, tandis que des facteurs tels que l’insécurité économique et l’immobilité ont empêché les filles d’accéder à l’information, aux services et aux fournitures essentiels en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs (SDSR).

En outre, les mesures prises pour contrer la COVID-19, y compris les fermetures d’écoles, ont entravé la mise en œuvre de nombreuses innovations en matière de santé, notamment celles du portefeuille de la santé sexuelle et reproductive de Grands Défis Canada (GDC). Cependant, à mesure que les portes se fermaient autour d’eux, de nombreux innovateurs financés par GDC se sont adaptés en tirant parti de la technologie numérique pour continuer à relever les défis en matière de santé sexuelle et reproductive, en faisant pivoter leurs programmes et en tirant des leçons qui survivront bien après la pandémie de COVID-19.

Be Girl est une entreprise innovante dans le domaine de la santé menstruelle offrant une gamme de produits menstruels durables et de haute qualité, dont le produit phare PeriodPanty™ (sous-vêtement 2 en 1 et protection fiable lors des règles). En conjonction avec le SmartCycle® de Be Girl – un tracker menstruel portable qui permet à la personne qui le porte de connaître et d’agir sur ses règles – l’organisation propose des ateliers interactifs d’une heure sur la santé menstruelle, adaptés à l’âge des adolescents, garçons et filles. En réponse aux restrictions de voyage liées à la COVID-19, l’équipe de Be Girl a adapté en format virtuel son programme de formation des formateurs SmartCycle® en santé menstruelle. Elle a piloté le premier programme virtuel de formation des formateurs avec le personnel de l’UNFPA en Angola, formant 27 formateurs qui ont ensuite dispensé un enseignement à 2000 filles et garçons. Ce modèle de formation adapté, qui se poursuivra après la pandémie, a également permis à l’équipe de Be Girl de tirer des enseignements en vue d’améliorer son modèle de prestation en personne pour l’avenir. « Certaines des stratégies utilisées pour offrir un apprentissage virtuel plus engageant fonctionneraient aussi bien lors des formations en personne », explique Audrey Anderson Duckett, directrice des opérations de Be Girl. « En particulier, réduire le nombre d’heures de formation active et accorder un temps ciblé aux utilisateurs pour qu’ils s’impliquent dans le programme et les contenus ont produit de meilleurs résultats sur le plan de l’apprentissage des participants ».

Young 1ove, Botswana

Au Botswana, Young 1ove propose aux adolescentes un programme de réduction des risques d’une heure, appelé « Zones », dirigé par des jeunes. Le programme se concentre sur les risques relatifs de la fréquentation de partenaires masculins plus âgés, encourageant les filles à choisir plutôt de sortir avec des pairs, où le risque de grossesse, de VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles est nettement plus faible. Dans le contexte des fermetures d’écoles pendant la pandémie, Young 1ove a reçu un supplément COVID-19 de GDC pour numériser des volets de son initiative de réduction des risques en milieu scolaire, en offrant aux adolescentes une communication directe par téléphone et/ou SMS. S’inspirant des leçons tirées de l’épidémie d’Ebola en Sierra Leone, l’équipe de Young 1ove s’est appuyée sur son programme original « anti-papa-gâteau » pour lancer une série de services à distance, créant ainsi un espace virtuel sûr pour minimiser les retombées de la pandémie sur la santé et les droits sexuels et reproductifs, la violence fondée sur le sexe et la santé mentale des adolescentes. Dans certains cas, des élèves ont relaté directement avoir été victimes de violence fondée sur le sexe à la maison. Des femmes mentors de Young 1ove ont pu aider les élèves et leurs professeurs de counseling et d’orientation à prendre des mesures concrètes pour s’assurer que l’enfant est protégé et reçoit le soutien psychosocial nécessaire.

« Nous constatons des résultats prometteurs avec notre réponse numérique et avec les avantages supplémentaires de ce mode de prestation évolutif et rentable », a déclaré Efua Bortsie, responsable de programme chez Young 1ove. « Nous allons explorer la possibilité de maximiser notre infrastructure existante pour compléter la mise en œuvre dans les écoles. » Pour en savoir plus sur la réponse de Young 1ove à la COVID-19, cliquez ici.

FightBack Nepal est un programme de prévention de la violence sexuelle et sexiste enseigné principalement dans les écoles rurales. Le programme FightBack comprend l’enseignement de l’autodéfense et l’acquisition de compétences non techniques visant à renforcer l’autonomie physique, vocale et mentale des adolescentes, tout en offrant une formation aux adolescents, aux parents et aux enseignants afin de contrer les normes culturelles discriminatoires. Dans le contexte des fermetures d’écoles pendant la pandémie, l’équipe de FightBack a testé la mise en œuvre de son programme à l’aide d’un logiciel de vidéoconférence auprès de plus de 500 adolescents. Cette expérience lui a montré la meilleure façon de dispenser le programme en ligne, ainsi que la possibilité d’atteindre davantage d’élèves et de pénétrer de nouveaux marchés hors du Népal. « Pour nous, l’avenir réside dans la plateforme d’apprentissage en ligne », a déclaré le directeur fondateur Vikrant Raj Pandey. La plateforme est en voie de développement et comprendra des vidéos éducatives et d’autodéfense, des quiz et des tests de personnalité, des cours réservables et un soutien personnel.

FightBack Nepal, Népal

FightBack a aussi commencé à diffuser des conseils d’autodéfense sur la populaire plateforme de partage de vidéos TikTok pendant la pandémie. Depuis la première publication le 9 juin 2020, le programme a attiré plus de 138 000 adeptes et accumulé 1,8 million de likes sur ses vidéos. « Si nous disposons de bonnes vidéos interactives de haute qualité, je pense que c’est un très bon outil pour dispenser cette éducation [axée sur la prévention de la violence] », de dire M. Pandey.

L’equality effect (e2) gère le projet 160 Girls au Kenya, dont l’objectif est de réduire l’impunité face aux violences sexuelles contre les enfants, comme l’a montré la décision de la Haute Cour kenyane dans l’affaire 160 Girls, démontrant que le fait que la police n’ait pas appliqué les lois existantes sur le viol a « engendré un climat d’impunité pour la défloration ». Le projet vise à former la police à l’application effective des lois, mais aussi à veiller à ce que le public soit légalement informé des droits des filles et des devoirs de la police en cas de viol. Au cours de la phase pilote, des éducateurs-facilitateurs locaux ont été formés pour diffuser des connaissances aux membres de leur collectivité lors d’événements et de panels, mais dans le contexte des fermetures liées à la COVID-19, e2 a reçu un supplément de GDC pour numériser son programme d’études légales sur les droits de la personne, accélérant ainsi ses plans existants de déploiement à ce stade critique.

The equality effect – The 160 Girls Project, Kenya

« En plus de bénéficier du soutien de bailleurs de fonds », d’écrire Fiona Sampson, PDG de e2, « la collaboration qu’implique la numérisation des 160 Girls Justice Clubs conventionnels en personne du equality effect a inclus le travail conjoint avec une équipe internationale et interdisciplinaire d’avocats spécialisés en droits de la personne, d’étudiants stagiaires en droit, de travailleurs sociaux, d’éducateurs, de spécialistes en informatique, d’artistes, d’experts en mesure, etc. » Mme Sampson a souligné la valeur de la diversité au sein d’une telle équipe pour concevoir des interventions originales et uniques. Le groupe a également travaillé avec la police locale pour diffuser un journal bihebdomadaire, ce qui a permis non seulement de partager des connaissances essentielles sur la violence fondée sur le sexe, mais aussi d’éviter que les enfants potentiellement à risque ne soient complètement isolés.

« N’eût été du [Club de justice virtuelle] », a déclaré un enseignant du programme et parrain du Club, « Mon école serait devenue une maternité pendant la pandémie. »