Chef(s) de projet: Julie Lajoie
Problème
À l’échelle mondiale, le VIH se transmet le plus souvent par des rapports hétérosexuels, et ce sont les femmes qui portent le fardeau de la pandémie car elles comptent pour les deux tiers des nouvelles infections en Afrique.
Les travailleuses du sexe sont considérées comme un groupe hautement vulnérable et, malgré les efforts de prévention, l’incidence du VIH y demeure très élevée.
En dépit de fait qu’elles sont extrêmement exposées au VIH, des études ont décrit l’existence d’un petit groupe de travailleuses du sexe au Kenya qui demeurent non infectées par le VIH, appelées séronégatives exposées au VIH (SNEV).
Leur système immunitaire possède un phénotype spécial, appelé quiescence immunitaire, qui se caractérise par un moins grand nombre de cellules cibles du VIH dans l’appareil génital féminin.
Solution
Le projet repose sur le travail effectué par l’équipe sur plusieurs années en vue de mieux comprendre cette protection naturelle contre l’infection au VIH.
Des recherches antérieures ont montré que chez les personnes SNEV, le seuil d’activation du système immunitaire est plus bas que dans les groupes témoins pertinents.
Lorsque les cellules cibles du VIH sont fortement activées, elles migrent du sang vers les voies génitales par un processus inflammatoire.
Le présent projet a été entrepris pour vérifier si le fait de prévenir le déplacement des cellules cibles du VIH vers l’appareil génital contribuerait à réduire le risque d’infection.
L’hypothèse formulée était qu’il est possible d’induire le phénotype de la quiescence immunitaire et de prévenir l’infection au VIH.
L’équipe a voulu déterminer si l’administration orale de médicaments anti-inflammatoires peu coûteux et sécuritaires, comme l’hydroxychloroquine et l’acide acétylsalicylique, pourrait induire ce phénotype et, potentiellement, réduire le risque de contracter une infection au VIH.
Au total, 106 femmes séronégatives au VIH présentant un faible risque ont été recrutées au Kenya et inscrites à l’étude d’une durée de trois mois.
Elles ont ensuite pris de l’acide acétylsalicylique (AAS) par voie orale quotidiennement (81mg/jour) ou de l’hydroxychloroquine (HCQ) (200mg/jour) pendant deux mois.
L’étude a comparé leur niveau d’activation immunitaire lors de la première visite, soit avant de commencer à prendre le médicament (de base) à celui observé au cours de deux visites subséquentes, pendant qu’elles prenaient les médicaments prescrits.
Résultat
C’est la première étude montrant que l’administration orale de médicaments anti-inflammatoires peut faire diminuer le nombre de cellules cibles du VIH dans le sang et l’appareil génital féminin et, potentiellement, réduire le risque d’infection au VIH.
Les résultats préliminaires indiquent qu’à la fois dans le groupe prenant de l’acide acétylsalicylique (AAS) que dans celui prenant de l’hydroxychloroquine (HCQ), l’administration de ces médicaments par voie orale pendant un mois a réduit de manière significative la densité des corécepteurs du VIH (CCR5) sur les cellules T CD4+ dans le sang.
En outre, l’AAS réduit de manière significative le nombre de cellules cibles du VIH (cellules CD4+CCR5+T) dans l’appareil génital féminin, dans une proportion de 35 %.
Les résultats soutiennent l’hypothèse que la quiescence immunitaire des lymphocytes T peut être induite à l’aide d’anti-inflammatoires non stéroïdiens et que l’AAS pourrait s’avérer utile dans la prévention du VIH.
La capacité à moduler l’activation des lymphocytes dans l’appareil génital pourrait être une avenue importante dans l’élaboration d’une nouvelle intervention anti-VIH.
L’équipe a l’intention de demander un financement de déploiement à l’échelle de la phase II pour entreprendre un essai clinique complet en vue de confirmer ces premiers résultats.