Leeat Weinstock

Freweini Mabrahtu se souvient de sa première menstruation lorsqu’elle a grandi en Éthiopie du Nord. Elle ne comprenait pas ce qui se passait dans son corps et s’inquiétait d’en parler à quelqu’un d’autre, prise de peur et de honte. Elle n’avait pas accès à des produits sanitaires et a utilisé de vieux chiffons et d’autres matériaux non hygiéniques à leur place. Elle a parfois manqué l’école à cause de la gêne qu’elle ressentait.

Comme beaucoup d’adolescentes arrivant à la puberté, Freweini n’était pas préparée et était mal informée sur les menstruations. L’histoire de Freweini illustre aussi les défis particuliers auxquels font face des millions de filles dans les pays à revenu faible ou intermédiaire (PRFI) pour composer avec leurs menstruations. C’est pour cela qu’après avoir étudié et travaillé dix ans aux États-Unis, Freweini est retournée chez elle et a lancé une entreprise sociale qui produit des serviettes hygiéniques réutilisables et des sous-vêtements de haute qualité à coût modique. Mariam Seba, dont le nom s’inspire de celui de sa fille, est une entreprise à but lucratif dont la mission sociale est de s’assurer que, les filles partout en Éthiopie aient accès à des produits et de l’information utile sur la santé menstruelle.

En cette Journée de l’hygiène menstruelle, Grands Défis Canada est fier de célébrer le travail des entrepreneurs sociaux, des défenseurs des droits et des leaders tels que Freweini en Éthiopie et partout dans le monde. Cela est important car les obstacles à la gestion de la santé menstruelle (GSM) ne se limitent pas aux PRFI. Dans des pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie, les femmes sont aux prises avec des politiques discriminatoires dans l’achat de produits sanitaires. Les serviettes et les tampons sont soumis à une taxe de vente comme s’il s’agissait de produits de luxe, plutôt que d’être considérés au même titre que des articles tels que les couches pour adultes et Rogaine, qui n’en sont pas. La « taxe sur les tampons » n’a été abrogée au Canada que l’été dernier au terme de pressions considérables.

De toute évidence, la GSM est une problématique à multiples facettes qui va bien au-delà de l’accès à des produits menstruels. La GSM est en quelque sorte le point d’entrée où l’on sensibilise les filles et les garçons à l’adolescence en leur offrant une éducation pratique, précise et adaptée à leur âge sur la santé menstruelle, reproductive et sexuelle et les droits connexes. Qui plus est, la GSM remet en question les réflexions autour des normes de genre et de la violence sexuelle, le changement de comportement, les attitudes culturelles et sociales et la stigmatisation. Elle englobe également les infrastructures et les produits sanitaires adéquats pour l’eau et l’hygiène (WASH), le respect de la vie privée et l’élimination sécuritaires des déchets, les considérations environnementales, la politique gouvernementale et la fiscalité.

En raison de cette intersectionnalité, une approche collective de l’impact de la GSM est requise. Le domaine de la GSM est actuellement constitué de quelques grandes multinationales et d’un très grand nombre de petites entreprises sociales à un stade précoce spécialisées dans la production ou la distribution de produits de santé menstruelle. Ce secteur non coordonné offre une occasion unique à des acteurs des sphères publique, à but lucratif et sans but lucratif de s’aligner sur une initiative commune. Ces partenaires intersectoriels apportent des ressources, distinctives, des réseaux, des stratégies et des moyens financiers pour relever le défi. Ensemble, nous pouvons aller au-delà de l’impact au niveau de l’entreprise pour surmonter les obstacles structurels plus tenaces associés à la GSM.

Simultanément, il faut renforcer les données probantes sur les liens entre la GSM et les résultats sur le plan de la santé, de l’éducation et de l’autonomisation. Alors que la GSM est un droit humain fondamental, ces preuves sont nécessaires pour évaluer l’efficacité de différentes approches et interventions, mobiliser des fonds, influencer la politique et mieux comprendre les rendements sur l’investissement dans le bien-être des adolescents. La GSM contribue aussi indirectement à six des objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies, y compris une bonne santé et le bien-être, une éducation de qualité, l’égalité des sexes, de l’eau potable et des services d’assainissement, la croissance économique, et une consommation et une production responsables. La GSM peut aussi jouer un rôle clé dans la mise en œuvre de la Stratégie mondiale de la santé pour les femmes, des enfants et les adolescents.

Avec le mandat d’appuyer des idées audacieuses ayant un grand impact® en santé mondiale, Grands Défis Canada, dont le financement provient du gouvernement du Canada, a comme objectif en matière de GSM d’améliorer la vie des femmes et des filles dans les PRFI par une  meilleure santé (y compris la santé mentale), de meilleurs résultats scolaires, l’autonomisation et la dignité. Nous faisons des investissements d’impact – des investissements visant à produire des rendements sociaux et financiers –­ dans des produits, des entreprises et des innovations sociales de GSM pouvant avoir un impact durable à plus grande échelle.

À ce jour, Grands Défis Canada a investi plus de 1,8 M $CAN dans quatre entreprises sociales de GSM qui produisent et distribuent des produits menstruels allant de tampons jetables et biodégradables à des serviettes réutilisables et des coupes menstruelles. Le portefeuille comprend Afripads en Ouganda, Sustainable Health Enterprises au Rwanda, Global Medical & Healthcare Innovations au Canada (mise en œuvre dans plusieurs PRFI) et ZanaAfrica au Kenya.

Grands Défis Canada a également procédé à un tri initial (analyse comparative) d’entreprises de GSM comme projet pilote pour le marché de l’innovation Chaque femme, chaque enfant – une alliance stratégique d’organisations axées sur l’innovation pour le développement qui regroupe Grands Défis Canada, la Fondation Bill & Melinda Gates, l’USAID, Norad et la Fondation UBS Optimus. Ce tri a permis de repérer un certain nombre d’innovations de GSM prometteuses, que nous évaluons actuellement en vue d’un investissement potentiel.

Pour l’avenir, Grands Défis Canada cherche à constituer un portefeuille diversifié d’investissements d’impact ciblant les nombreuses questions transversales liées à la santé menstruelle, y compris les produits, l’élimination, l’éducation, l’assainissement, la prestation des services et les réseaux de distribution. En outre, nous visons à aider à bâtir une communauté d’innovateurs pour catalyser des partenariats, des possibilités de financement innovantes, ainsi que la formation et l’interconnexion de chaînes de valeur parmi les organisations.

Chaque jour, plus de 800 millions de femmes et de filles sont menstruées dans le monde. Comme Freweini en Éthiopie et d’autres ailleurs dans le monde, Grands Défis Canada croit que chaque femme et chaque fille doit avoir la possibilité de gérer ses menstruations dans la dignité et des conditions hygiéniques. En établissant de solides partenariats entre des bailleurs de fonds, des organisations sans but lucratif, des entreprises et des organismes gouvernementaux, nous pouvons aider à aplanir les obstacles structurels entourant la GSM. Ce faisant, nous avons une occasion unique de rejoindre les adolescentes à un moment critique de leur vie pour les aider à s’engager sur la voie de la prise en charge de soi et d’une bonne santé pour l’avenir.


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