Karlee Silver

Peter A. Singer

La violence contre les femmes est malheureusement un phénomène universel qui prend de nombreuses formes et touche toutes les sociétés. Quelle que soit la forme que prend la violence – le viol utilisé comme arme de guerre, l’esclavage sexuel, la violence psychologique ou la violence domestique – la violence contre les femmes enfreint les droits des femmes et son impact se fait sentir dans toute les familles et la société.

Des chiffres récents sur la prévalence globale indiquent que 35 % des femmes dans le monde ont subi la violence conjugale ou la violence sexuelle d’un non partenaire au cours de leur vie. La portée réelle de la violence contre les femmes est très probablement inconnue parce que la crainte, l’embarras, l’intimidation ou le sentiment que cela n’aidera tout simplement pas limitent les cas de divulgation. Dans plusieurs régions, les victimes de violence familiale souffrent en silence, en raison de la disponibilité limitée des soins de santé, du manque de services de soutien social ou de la stigmatisation.

Ces questions sont au cœur de la politique étrangère et nationale du Canada et notre pays souscrit à l’idée que l’égalité des sexes est non seulement une question de droits de la personne, mais un volet essentiel du développement durable, de la justice sociale, de la paix et de la sécurité.

Voilà pourquoi Grands Défis Canada, qui est financé par le gouvernement du Canada, appuie 12 projets innovants qui ciblent ce problème mondial, représentant un investissement de 3,3 millions $.

Le viol est une forme intolérable de violence et un facteur de risque important du VIH. La stigmatisation et les tabous sont des obstacles particuliers qui empêchent les victimes de rapporter les cas de viol aux autorités. Les chercheurs manquent d’outils alternatifs pour déterminer l’étendue du problème dans les collectivités parce que de nombreux cas de viol ne sont pas déclarés et que leurs auteurs restent impunis. Dans un de nos projets en Afrique du Sud, on a développé une application d’auto-entrevue par téléphone intelligent peu coûteuse et facile à utiliser pour aider les chercheurs à cerner l’ampleur des viols dans les collectivités qui permet de surmonter les obstacles au signalement des viols, et partant de mettre fin à l’impunité qui protège les violeurs et concoure à la propagation du VIH . Les résultats ont confirmé que l’application offre une solution efficace et abordable, qui a le potentiel de révolutionner la façon dont la recherche sur la violence sexuelle est menée, car elle réduit le temps et la participation des professionnels qualifiés qui sont habituellement requis pour effectuer la recherche. Le plus grand atout de l’application s’est une fonction vocale qui permet de saisir les opinions et les sentiments des répondantes, offrant une variété et un éventail de réponses qui vont bien au-delà de la liste des réponses à choix multiples généralement employées dans la recherche traditionnelle.

Un nouveau projet sera bientôt annoncé en République démocratique du Congo pour vérifier si une intervention en santé mentale auprès des mères victimes de violence sexuelle a un effet significatif et positif sur le développement du cerveau de leurs nourrissons. L’intervention sera mise en œuvre dans le cadre d’un programme de santé post-natale, en utilisant un système de distribution qui pourra être reproduit dans des milieux à faibles ressources similaires. Ce projet est la première étude d’intervention conçue spécifiquement pour améliorer le développement cognitif, émotionnel, moteur et linguistique des jeunes enfants en fournissant des services de santé mentale aux mères souffrant de dépression majeure et de stress post-traumatique qui ont été victimes de violence sexuelle et de viol. Pour mesurer son effet, 10 agents de santé communautaires seront formés pour offrir le programme de santé et de nutrition post-natal accompagné d’une intervention de traitement de la dépression à l’intention de 200 femmes et de leurs nourrissons.

0287Réduire le nombre d’infections au VIH est aussi l’objet d’un projet au Kenya, appelé « Pas de sucre pour moi : approche interactive à multiples facettes pour lutter contre les papas-gâteaux et réduire le VIH chez les adolescentes ». Une application de téléphonie basée sur le jeu enseigne aux adolescentes de l’Ouest du Kenya les risques posés par les rapports sexuels transactionnels et, partant, de l’infection au VIH. Les résultats ont montré que l’enseignement de techniques de négociation aux filles était un moyen efficace de réduire le risque qu’elles aient des rapports sexuels avec des papas-gâteaux. Sur une période de six mois, la connaissance de la sexualité sans risque avait augmenté de plus de 50 %. Le projet a collaboré avec des écoles, des responsables de l’éducation au niveau du comté et l’Association des scouts du Kenya. Il a incité les responsables locaux du comté à déposer un document de politique pour inclure une formation axée sur de meilleures aptitudes à la négociation pour les écolières parallèlement au programme scolaire.

0422Des Idées audacieuses pour les filles (BIG) est le titre d’un autre projet qui se déroule au Kenya. Nos innovateurs offrent un programme intégré d’acquisition de compétences axées sur le genre et la vie, des compétences professionnelles et entrepreneuriales et des interventions comportementales liées au VIH basées des données probantes aux filles de 15 à 24 ans dans les bidonvilles de Mukuru. Améliorer les aptitudes à la négociation et les compétences de vie est une bonne tactique de prévention de la violence contre les femmes, car celles-ci sont mieux préparées à éviter de telles situations en ayant des connaissances utiles et la bonne attitude à adopter. Le projet pourrait accroître les connaissances et la pratique de la prévention du VIH et des IST et améliorer leur situation socioéconomique. En moyenne, les niveaux de connaissances et de compétences ont augmenté de 49 % à 88 %, ou même plus. Au total, 5000 femmes ont été rejointes par le projet BIG.

En Zambie, les adolescentes font face à des contraintes sociales qui les rendent vulnérables à des grossesses précoces, au VIH et au décrochage scolaire. L’innovation que nous appuyons leur offrira une protection contre la violence et l’intimidation. Le projet vise à présenter et à évaluer un cours innovateur visant à enseigner aux filles des techniques de négociation qui leur permettront de se bâtir un avenir plus sain. 3146 filles ont été recrutées pour cette étude et les résultats ont montré que la formation a aidé les filles à acquérir et à conserver des connaissances sur les techniques de négociation et les circonstances où les appliquer. En outre, l’équipe a démontré que la formation a entraîné une amélioration statistiquement significative des résultats des filles dans un jeu conçu pour simuler le comportement en situation réelle. Ce projet a reçu un financement de suivi sur pour le déploiement à l’échelle dans le cadre du programme Development Innovations Venture (DIV) de l’USAID.

0089 - BiaberProject2En Éthiopie, le projet Biaber a développé et mis en œuvre un système de formation pour enseigner aux fournisseurs de soins de santé le dépistage des cas de violence conjugale et de troubles mentaux courants et leur permettre de fournir des traitements brefs, sécuritaires et efficaces. Un total de 240 travailleurs de la santé ont reçu une formation axée sur la prestation de soins de santé mentale, y compris la façon de lutter contre la stigmatisation, la violence conjugale, les options de traitement et les médicaments et, pour la première fois, la façon d’entreprendre une thérapie interpersonnelle adaptée à l’Éthiopie. En conséquence, 4800 personnes atteintes de troubles mentaux courants ont maintenant accès aux soins d’un prestataire qualifié, dont 480 personnes engagées dans une psychothérapie interpersonnelle adaptée au contexte éthiopien. Le projet intégrera ce module de formation en santé mentale adapté à la communauté dans les programmes scolaires des résidents en psychiatrie, le nouveau programme de résidence en médecine familiale et les programmes de soins infirmiers au premier cycle pour assurer des soins soutenus.

Au Kenya, la violence contre les femmes est un sérieux facteur de risque de dépression, d’anxiété, de stress post-traumatique et d’autres troubles mentaux courants, pour lesquels il y a peu ou pas de services de soutien en santé mentale. Le projet permettra de vérifier l’efficacité de la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) comme moyen pour les para-professionnels d’aider les femmes des milieux à faible revenu, créant ainsi un modèle hautement nécessaire pour des interventions pouvant être contextualisées et déployées dans différentes populations touchées par la violence dans le monde, en y associant des organismes gouvernementaux pour en assurer la durabilité. Cinquante femmes participent actuellement à cette intervention, et les premiers résultats montrent une réduction significative du trouble de stress post-traumatique (TSPT) par rapport à celles du groupe témoin.

0331La violence au foyer est une réalité pour de nombreux enfants haïtiens, engendrant des problèmes de développement et de comportement et des troubles émotifs. Malheureusement, Haïti n’a pas l’infrastructure nécessaire pour répondre aux besoins en santé mentale de ses habitants, de sorte que les Haïtiens doivent compter sur les réseaux de guérisseurs traditionnels pour résoudre leurs problèmes de santé mentale. Grands Défis Canada appuie un projet visant à créer un réseau de services et de prestataires de soins communautaires haïtiens pour promouvoir la santé mentale, offrir des services psychosociaux et, en particulier, contrer la violence familiale, les abus et les problèmes de santé mentale susceptibles d’en résulter. Le projet est complété par une intervention en milieu scolaire qui vise à traiter les problèmes de santé mentale des enfants.

0334Traiter avec les jeunes et s’attaquer à la violence urbaine est l’objectif principal d’un projet entrepris en Jamaïque. Ce pays a le troisième plus haut taux d’homicides dans le monde (53 pour 100 000 habitants). Nous finançons l’élaboration d’un programme de thérapie culturelle axé sur la participation communautaire afin de susciter la discussion en groupe de questions douloureuses en utilisant le théâtre, le chant et la danse pour aider à traduire et à exprimer les préoccupations. La collectivité sera guidée tout au long de la définition d’objectifs de développement social et financier. Ces objectifs comprennent la réduction des troubles de comportement chez les enfants et de la violence familiale et interpersonnelle chez les jeunes et les adultes, tout en stimulant l’emploi parmi les jeunes et en réduisant la pauvreté.

La Colombie compte 5,4 millions de personnes déplacées à l’interne en raison de conflits armés. À Bogota, la capitale, 70 % des personnes déplacées sont des femmes et des enfants, notamment des membres de peuples autochtones et des afro-colombiens, qui vivent dans des conditions marginales et sont à risque élevé d’anxiété, de dépression et de trouble de stress post-traumatique. Un projet novateur mené par l’Universidad de los Andes met à l’essai ce qu’on appelle OSITA (sensibilisation, dépistage et intervention pour les traumatismes chez les femmes déplacées à l’intérieur). Géré par une application de téléphonie mobile, OSITA a permis de former des agents de santé communautaires au dépistage et au renvoi en consultation des cas graves de troubles mentaux. 64 femmes reçoivent déjà un traitement dans le cadre de ce projet, dont 17 ont été orientées vers des soins spécialisés.

0333Au Guatemala, on estime que 28 % de la population peut s’attendre à éprouver un trouble mental au cours de la vie, les femmes en âge de procréer présentant les taux les plus élevés de dépression et d’anxiété, en particulier celles qui vivent dans les régions autochtones et exposées à des difficultés économiques et à des problèmes familiaux. Seize chefs de file (femmes) ont été formées pour identifier les femmes en difficulté (y compris celles qui ont été violées) et créer des groupes de soutien destinés à aider les femmes à acquérir des compétences et à répondre à des besoins auto-définis, y compris la nourriture et le logement, et les problématique liées au genre. Le projet cherche à rejoindre plus de 300 femmes et leurs nourrissons en intégrant la santé mentale aux programmes de santé existants, mais de portée limitée, dans les collectivités marginalisées.

L’exposition à la violence familiale et aux problèmes de santé mentale maternelle sont deux facteurs de risque pour le développement optimal des jeunes enfants. Notre projet au Vietnam relie les communautés du Vietnam rural avec une équipe multidisciplinaire et internationale pour développer et tester un programme psycho-éducatif peu coûteux, universel et non stigmatisant pour faire face aux risques encourus par les enfants tout au long de la grossesse et la petite enfance. Depuis l’an dernier, les Clubs d’apprentissage ont commencé à offrir des séances à 334 femmes enceintes et parents d’enfants de moins de 24 mois.


Comme l’a expliqué Melinda Gates dans son article paru dans la revue Sciences l’an dernier, des progrès vers l’égalité des sexes, l’autonomisation des femmes et le respect des droits des femmes sont requis si nous voulons marquer des progrès vers la réalisation des autres objectifs de santé et de développement. Mettre fin à la violence contre les femmes et les filles est une condition sine qua non à la réalisation de l’autonomisation et de l’égalité pour les femmes et les filles partout. Grands Défis Canada continuera de travailler en étroite collaboration avec tous ses partenaires pour appliquer l’innovation en vue d’accélérer les progrès pour les femmes et les filles.

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