Auteur invité


Kijakazi Mashoto est chercheuse principale à l’Institut national de la recherche médicale, à Dar es Salaam, en Tanzanie. Elle est aussi chercheuse principale d’un projet mené dans le cadre de notre programme Les Étoiles en santé mondiale qui vise à utiliser les nouvelles technologies pour traiter et stocker l’eau comme stratégie de prévention de la diarrhée dans les régions rurales de la Tanzanie.


Le manque d’accès à l’eau potable, ainsi qu’un assainissement et une hygiène inadéquats, constituent un risque majeur pour la santé et sont les principaux facteurs contribuant aux décès diarrhéiques dans le monde. L’approvisionnement en eau non sécuritaire cause environ 1734 milliards d’épisodes de diarrhée chaque année et entraîne 1,34 million de décès dus à des maladies diarrhéiques chez les enfants de moins de cinq ans.

En outre, les maladies diarrhéiques d’origine hydrique mènent à une diminution de l’apport alimentaire et de l’absorption de nutriments, à la malnutrition, à une baisse de la résistance à l’infection et à un ralentissement de la croissance physique et du développement cognitif. Les agents pathogènes diarrhéiques sont transmis de plusieurs façons, entre autres par l’eau potable et les mains. Voilà pourquoi des pratiques adéquates de traitement et de stockage de l’eau domestique sont importantes pour prévenir la maladie. On estime que 94 % des cas de diarrhée pourraient être prévenus par des modifications dans l’environnement, notamment des interventions visant à accroître la disponibilité de l’eau potable et à améliorer l’assainissement et l’hygiène. Le traitement et le stockage sécuritaires de l’eau domestique ont montré une réduction de la morbidité diarrhéique allant de 39 à 70 %.

En cette Journée mondiale de l’eau, je voulais souligner les difficultés auxquelles sont confrontés de nombreux Tanzaniens pour ce qui est de l’accès à l’eau, et discuter d’une approche novatrice que nous appliquons pour aider à atténuer les problèmes associés au manque d’accès à l’eau potable.

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Le takasamaji peut aider à réduire la contamination bactérienne et la turbidité

Le manque d’accès à des sources d’eau améliorée est un problème majeur en Tanzanie rurale et urbaine. Moins de la moitié de la population rurale en Tanzanie a accès à de l’eau potable. Beaucoup de gens utilisent de l’eau provenant de sources non sécuritaires, comme les étangs, les rivières et les ruisseaux. Cette eau est rarement traitée, en raison d’un manque de sensibilisation et, dans une certaine mesure, de la pauvreté et de la pénurie de bois de chauffage pour la faire bouillir. Diverses études ont montré que, dans les régions rurales de la Tanzanie, l’eau est parfois contaminée à la source. Mais même lorsque l’eau est considérée comme potable à la source, elle est souvent contaminée durant la collecte, le stockage et l’utilisation à la maison.

Avec le soutien du Canada et de Grands Défis Canada, nous avons voulu tester l’efficacité d’un désinfectant pour l’eau appelé Takasamaji et des conteneurs de stockage de l’eau potable qui y sont associés. Nous avons supposé que cette nouvelle technologie simple pourrait aider à prévenir la diarrhée chez les moins de cinq ans.

Nous avons distribué du Takasamaji et des conteneurs de stockage de l’eau potable dans cinq des dix villages de la région de Mkuranga, en Tanzanie. Sur une période d’une année, 243 ménages ont eu accès à cette technologie simple et en ont fait l’essai, ce qui représente 1094 personnes (dont 406 étaient des enfants de moins de cinq ans). Au total, 78 membres de la collectivité ont été recrutés pour distribuer le Takasamaji et recueillir des renseignements sur la diarrhée à une fréquence hebdomadaire pendant 17 semaines. Des experts du ministère de l’Eau de la Tanzanie ont évalué la qualité de l’eau consommée par les villageois avant et pendant la mise en œuvre du projet.

Dans l’ensemble, le conteneur de stockage de l’eau a été bien accepté, apprécié et préféré par les ménages participant au projet, notamment le fait que les enfants pouvaient aussi puiser de l’eau sans l’aide des adultes.

Bien que la qualité de l’eau potable domestique traitée avec le Takasamaji se soit améliorée, elle n’a pas atteint les normes nationales requises. Le Takasamaji réduit la contamination bactérienne de 80 % et les niveaux de turbidité de 70 %.

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Conteneurs sécuritaires pour l’eau de consommation

Pendant 17 semaines, nous avons suivi de près un total de 713 enfants (âge moyen de 2,2 ans, 53 % de filles) pour consigner leurs épisodes de diarrhée. Dans ce large groupe, il y avait 406 enfants âgés de moins de cinq ans vivant dans des ménages ayant accès à la technologie de traitement et de stockage de l’eau, tandis que 306 enfants vivaient dans des ménages ne participant pas à l’intervention. Avant le début du projet, la prévalence de périodes de diarrhée de sept jours chez les enfants des ménages qui ont eu subséquemment accès à la technologie était similaire à celle des ménages qui n’ont pas eu accès à la technologie (6,1 %). Durant la période de 17 semaines, la prévalence de la diarrhée a différé entre les enfants des ménages ayant accès (7,3 %) et ceux des ménages n’ayant pas accès à la technologie de traitement de l’eau (14,8 %). En moyenne, un cas de diarrhée par 10 enfants par semaine était signalé avant l’intervention. Après la mise en œuvre du projet, ce nombre a diminué à 0,22 épisode par 10 enfants par semaine. Beaucoup moins de cas de diarrhée ont été signalés parmi les enfants du groupe d’intervention (73 épisodes) que parmi ceux du groupe témoin (190 épisodes).

Les enfants des ménages ayant accès au Takasamaji étaient moins susceptibles de souffrir de diarrhée que ceux qui n’avaient pas accès à Takasamaji. Le Takasamaji et les conteneurs de stockage sécuritaires de l’eau potable ont réduit de 54 % le nombre d’épisodes de diarrhée chez les enfants de moins de cinq ans. Lorsque d’autres facteurs (tels que la mauvaise situation socio-économique, le manque d’éducation ‘WASH’ et l’utilisation des sources d’eau non améliorées) sont pris en considération, l’intervention a réduit les épisodes de diarrhée de 49 %.

En parlent aux villageois, nous avons appris que la collectivité était heureuse que cette technologie simple ait aidé à prévenir les épisodes de diarrhée chez les enfants de moins de cinq ans.

« L’eau traitée avec du Takasamaji a bon goût; ma famille et moi l’avons utilisé, mais nous n’avons pas observé de différence entre l’eau traitée au Takasamaji et l’eau non traitée; J’ai trouvé que le goût de l’eau était le même ».
– Un membre d’un groupe de discussion réunissant des femmes et des hommes, à Nyamatotipo

« Pour être honnête, même la nourriture a un goût différent avant et après la cuisson; vous ne pouvez donc pas vous attendre à ce que l’eau ait le même goût avant et après traitement. Pour moi, j’ai noté une légère différence de goût, mais ce n’est pas mal; cela ne saurait dissuader une personne de l’utiliser ».
– Un homme dans un groupe de discussion, à Nyatanga

En conclusion, l’utilisation du Takasamaji et de conteneurs de stockage sécuritaires de l’eau potable pour le traitement simple de l’eau domestique a réduit de 54 % les épisodes de diarrhée chez les enfants de moins de 5 ans. Le Takasamaji a été en mesure d’améliorer la qualité de l’eau dans cinq villages du district de Mkuranga. Toutefois, pour améliorer la qualité de l’eau potable pour qu’elle respecte les normes nationales recommandées, il est impératif d’optimiser et d’améliorer la formule de Takasamaji en vue du déploiement l’échelle, puis d’entreprendre le déploiement à échelle.


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