Auteur invité


Le 8 mars, Journée internationale de la femme, Grands Défis Canada a choisi de mettre en évidence deux femmes Innovateurs qui aident d’autres femmes à surmonter les difficultés et les problèmes auxquels elles sont confrontées.

Raquel Bernal est professeure à l’Universidad de los Andes à Bogota (Colombie). Elle dirige un projet de déploiement à l’échelle dans le cadre de notre programme Sauver des cerveaux, ainsi qu’une équipe d’experts de différentes régions du monde qui comprend le professeur Orazio Attanasio de l’UCL (R.-U.) et de l’Institute for Fiscal Studies (Londres), le professeur Costas Meghir de l’Université Yale (É.-U.), la professeure Helen Henningham de l’Université de Bangor (R.-U.) et de l’Université des Indes occidentales (Jamaïque) et Marta Rubio-Codina de la Banque interaméricaine de développement et de l’Institute for Fiscal Studies (Londres).


La pauvreté demeure un problème dans de nombreuses régions rurales et éloignées de la Colombie. Des milliers d’enfants de la naissance à l’âge de 5 ans vivent dans de mauvaises conditions, ce qui les rend beaucoup plus vulnérables que ceux qui vivent dans les régions urbaines. Leurs familles sont beaucoup plus pauvres et ces enfants présentent un retard de développement considérable.

Prenez le développement du langage, par exemple. Il a été démontré que les jeunes enfants des régions rurales sont en retard d’environ 20 mois dans le développement du langage par rapport aux enfants vivant dans des conditions socio-économiques similaires dans les zones urbaines. Cela signifie qu’à l’âge de cinq ans, ces enfants commencent l’école avec un désavantage considérable qui ne disparaît pas vraiment au fil de l’enseignement primaire et secondaire. Une partie de l’explication réside du côté des pratiques parentales de piètre qualité et une connaissance limitée du développement de la petite enfance dans les ménages vivant en situation de vulnérabilité socio-économique.

Picture2

Moins du tiers des parents en région rurale ont indiqué faire la lecture à leurs jeunes enfants au moins une fois par semaine.

Des données récentes de l’Enquête longitudinale colombienne (ELCA) indiquent que 70 % des parents n’utilisent pas les services de la petite enfance, parce qu’ils ne veulent tout simplement pas le faire, et non en raison de contraintes logistiques. En outre, 40 % des parents pensent que les enfants finiront par développer le même ensemble de capacités, indépendamment de ce que les parents font et quelles que soient les circonstances qui les entourent. Environ un tiers des parents pensent que jouer avec leurs enfants n’est pas un élément crucial pour leur développement précoce. Un autre malentendu répandu est qu’il est inutile de parler aux bébés parce qu’ils ne comprendront pas de toute façon. Seulement environ 30 % des parents des régions rurales affirment faire la lecture à leur jeune enfant au moins une fois par semaine.

Près d’un tiers de ces familles colombiennes ayant des enfants âgés de la naissance à 2 ans peuvent avoir accès à un programme de parentalité publique appelé FAMI (famille, femmes et enfance). Le but de ce programme est de promouvoir le développement de la petite enfance en améliorant les compétences parentales dans un cadre familial. FAMI sert les enfants socio-économiquement vulnérables par une visite mensuelle à domicile et une réunion de groupe hebdomadaire. Chaque animateur du programme dessert environ 12 à 15 bénéficiaires dans sa collectivité. Récemment, le gouvernement colombien a mis au point une stratégie globale de DPE, appelée ‘De Cero a Siempre’ (de la naissance à toujours), qui vise à augmenter le nombre de participants, mais plus important encore, à améliorer la qualité des services existants. Alors que ce dernier volet de la stratégie a été plus facilement mis en œuvre dans les secteurs urbains par le biais de soins offerts en établissement, il a été plus difficile à intégrer dans le contexte rural en raison de contraintes de capacité institutionnelle, de financement et de ressources humaines, et l’absence d’économies d’échelle là où la population est dispersée.

Picture1

Optimiser les interactions mère-enfant : dès la naissance et pour toute la vie.

Notre projet de déploiement à l’échelle de Grands Défis Canada contribue à cette stratégie nationale de DPE en incorporant diverses améliorations à la qualité du programme FAMI, améliorant en fin de compte le bien-être des jeunes enfants et de leurs parents en Colombie rurale. Ces améliorations comprennent des contenus pédagogiques sous la forme d’un ensemble d’activités de développement séquencées visant à promouvoir le développement des enfants. Elles visent également à promouvoir une interaction optimale entre la mère et l’enfant et l’auto-efficacité maternelle, et à fournir de l’éducation sur la nutrition et la supplémentation.

Notre contribution comprend un accompagnement complet et un système de suivi, afin d’appuyer constamment les animateurs du programme. Enfin, il inclut aussi un ensemble complet de matériels pédagogiques à utiliser en complément du programme d’études : livres, puzzles, blocs, tri et appariement d’objets, et des matériaux pour fabriquer des jouets à la maison. Cette intervention sera rigoureusement évaluée dans 91 villes rurales de la Colombie entre 2014 et 2016. Le projet pilote va y recruter près de 1700 parents d’enfants de moins de deux ans et environ 300 femmes enceintes. Dans la plupart des cas, les séances de groupe de FAMI (ainsi que les visites à domicile) s’adressent à la mère de l’enfant. Près de 40 % d’entre elles sont des mères célibataires ou adolescentes, dont les enfants courent un risque beaucoup plus élevé de se retrouver piégé dans la pauvreté si leur éducation est retardée ou interrompue. En travaillant avec ces mères, et en favorisant l’auto-efficacité, l’estime de soi, la motivation et une meilleure connaissance des besoins de leurs enfants, nous espérons améliorer la vie de la mère et de l’enfant.

Cinq mois après le début du projet, nous avons formé 172 animateurs dans 46 villes rurales de la région centrale de la Colombie. Notre impression est qu’après avoir reçu cette formation, les animateurs sont motivés et engagés à servir leurs bénéficiaires avec plus de connaissances et de meilleurs outils. Ils sont enthousiastes à l’idée d’avoir un impact significatif sur la vie des mères et des enfants grâce aux connaissances acquises. De plus, nous avons observé que plus de gens participent à des séances du programme depuis que le nouveau contenu pédagogique a été introduit. Et les mères ont affirmé qu’elles perçoivent des progrès plus rapides dans le processus de développement de leurs enfants depuis qu’elles ont commencé à apprendre des activités plus précises à pratiquer avec leurs enfants à la maison. Le programme se poursuivra pendant 15 mois et, bien qu’il soit trop tôt pour déterminer l’effet et les résultats finaux, les animateurs du programme et les mères bénéficiaires estiment que ce qu’ils ont appris et pratiqué a été extrêmement utile.


Nous vous invitons à afficher vos questions et vos commentaires au sujet de ce billet de blogue sur la page Facebook de Grands Défis Canada et sur Twitter @gchallenges.