Auteur invité

Tesfalem Teshome (MSc) est professeur de santé publique, chercheur au Collège des sciences de la santé d’Hawassa, en Éthiopie, et chef du projet « Acceptabilité, faisabilité et sécurité virale, nutritionnelle, immunologique et microbiologique du chauffage éclair du lait maternel : la prévention de la transmission postnatale du VIH par la modification des pratiques d’allaitement maternel dans les pays en développement ».


La semaine mondiale de l’allaitement maternel (du 1er au 7 août) est un rappel important de la valeur unique et irremplaçable du lait maternel pour le nourrisson humain et une occasion de prôner l’importance de l’allaitement pour améliorer la santé et le sain développement des enfants.

Une mère procédant au chauffage éclair de lait maternel

Photo : Une mère procédant au chauffage éclair de lait maternel

L’allaitement maternel offre de nombreux avantages à court et à long terme pour la mère et l’enfant (une formule gagnant-gagnant). Ceux-ci comprennent une base solide pour la santé cardiovasculaire toute la vie durant, une plus grande résistance aux maladies infectieuses infantiles, un renforcement de l’immunité, l’amélioration des fonctions cognitives et un risque réduit des maladies chroniques, comme le diabète. Le lait maternel contient tous les nutriments dont les bébés ont besoin pour rester en bonne santé et se développer. Il ne nécessite pas de mélange, de stérilisation ou d’équipement. Il est toujours à la bonne température et respectueux de l’environnement. L’allaitement maternel peut également aider les mères à espacer les naissances et réduire leur risque de maladie cardiovasculaire, de cancer du sein et des ovaires, de diabète de type 2 et de dépression post-partum. Il est économique pour les familles, les employeurs, le système de santé et les pays dans leur ensemble car il préserve des ressources précieuses, y compris l’argent, le temps, l’eau potable et le carburant. Pratiquement tous les enfants bénéficient de l’allaitement au sein, quel que soit l’endroit où ils vivent.

Selon l’OMS, le modèle d’alimentation optimale pour la survie globale des enfants est l’allaitement maternel exclusif pendant les 6 premiers mois et l’allaitement continu jusqu’à 2 ans et au-delà, avec une alimentation complémentaire à partir de l’âge de 6 mois.

Malheureusement, les mères infectées au VIH peuvent transmettre le virus à leur nourrisson par l’allaitement. Pour les mères infectées au VIH dans le monde développé, il est recommandé d’éviter l’allaitement maternel. Cependant, pour les mères des pays en développement, une recommandation similaire peut ne pas être sécuritaire en raison de facteurs, y compris mais sans s’y limiter le coût des préparations pour nourrissons, le manque d’eau potable, les conditions de vie insalubres et le contexte socioculturel. Dans ces milieux, les préparations pour nourrissons ont été associées à une hausse de 14 à 25 fois de la mortalité infantile liée à la diarrhée en raison de la contamination et de l’absence de facteurs de protection intrinsèques du lait maternel.

En évaluant le risque de transmission mère-enfant du VIH/sida associé à l’allaitement maternel par rapport à la possibilité des plus grands risques posés par les préparations pour nourrissons, les mères infectées au VIH dans les pays en développement devraient allaiter exclusivement leur enfant pendant les 6 premiers mois de la vie, en introduisant des aliments complémentaires appropriés par la suite et en continuant à allaiter pendant les 12 premiers mois de la vie. Dans ces cas, la mère et son enfant devraient prendre des médicaments antirétroviraux pour la prévention de la transmission mère-enfant du VIH/sida.

Cette situation pose des difficultés dans le contexte éthiopien, où seulement environ 24 % des femmes enceintes infectées au VIH et 19 % des enfants exposés au VIH reçoivent des médicaments antirétroviraux. En conséquence, les nourrissons exposés au VIH courent un risque accru de contracter ce virus durant l’allaitement. Il est donc clair qu’il devrait y avoir une solution de rechange pour rendre le lait maternel plus sécuritaire pour les enfants nés de mères infectées au VIH dans de tels contextes.

Grâce au soutien de Grands Défis Canada, qui est financé par le gouvernement du Canada, notre équipe a mené une étude d’intervention pilote en collaboration avec le Collège des sciences de la santé d’Hawassa pour tester l’acceptabilité et la durabilité d’un traitement par chauffage éclair du lait maternel comme stratégie d’alimentation du nourrisson dans la partie sud de l’Éthiopie. Le chauffage éclair est une méthode simple de pasteurisation à domicile du lait maternel, et les mères des pays en développement peuvent employer cette méthode sur un feu en plein air ou de cuisine en utilisant du matériel qui se trouve dans une maison ordinaire. Inspiré de la vision de Grands Défis Canada qui privilégie l’innovation intégrée, notre projet a un caractère intégré et comprend des composantes sociétale, commerciale et scientifique.

Nous avons sélectionné 7 sages-femmes pour recruter des femmes enceintes infectées au VIH aux fins de l’étude et 3 agentes de santé pour faire un suivi clinique, nutritionnel et développemental des nourrissons. Nous avons aussi embauché 8 infirmières et infirmiers spécialisés en recherche pour faire un suivi à domicile auprès des nourrissons et 1 superviseur. Après une formation intensive de trois jours, des femmes enceintes infectées au VIH ont été conseillées et recrutées. Ensuite, elles ont été réparties entre un groupe de lait maternel traité par chauffage éclair et un groupe d’allaitement standard basé sur leur choix d’alimentation du nourrisson. Les infirmières en recherche ont suivi de près tous les nourrissons de l’accouchement jusqu’à six mois par des visites régulières à domicile. Des discussions de groupe et des entrevues en profondeur avec des informateurs clés ont été utilisées pour étudier les questions liées à l’acceptabilité et à la viabilité de la méthode.

Nous en sommes actuellement à la dernière phase du projet, où les infirmières et les infirmiers en recherche procèdent à un suivi à domicile. Un résultat préliminaire des discussions de groupe est que les mères qui utilisent le lait maternel traité par chauffage éclair estiment que cette méthode atténue leur inquiétude quant au risque que leur nourrisson contracte le virus, même si la procédure requiert un certain soutien des pères et des autres membres de la famille.


Nous remercions le Dr Mesfin Beyero, M. Kare Chawicha, M. Wosenyeleh Semeon et l’équipe de recherche dévouée pour leur engagement envers ce projet.

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