Andrew Taylor

Je suis l’heureux père de deux magnifiques garçons. Il y a un an, ma femme et moi avons engagé ce qui est probablement une discussion courante chez les parents ayant deux enfants : « Allons-nous en avoir un troisième? » Diverses considérations sont entrées en jeu. Voulons-nous revivre la terrible maladie du matin et les aléas de la grossesse? Voulons-nous vraiment revenir à couche-ville? Aurons-nous besoin d’une maison plus grande, d’une plus grosse voiture? Voulons-nous abandonner le sommeil (et l’amour) dont nous jouissons sans interruption actuellement? Les terrains de golf acceptent-ils les quintettes? Et comment notre dynamique familiale va-t-elle changer avec un troisième garçon ou notre première fille?

Au cours de nos échanges, nous n’avons pas évoqué une seule fois les complications potentielles qui touchent de si nombreux parents dans le monde en développement. Personne ne veut penser à ce qui peut aller mal. Pourtant, il arrive que les choses tournent mal, avec une probabilité beaucoup plus élevée dans les pays en développement.

La prééclampsie est l’une des complications qui peuvent survenir durant la grossesse. Il s’agit d’un état pathologique où l’afflux de sang vers le placenta est réduit. L’un des symptômes de cet état est une augmentation marquée de la pression artérielle. Cela peut être très dangereux pour l’enfant à naître et, si cet état progresse vers l’éclampsie, la pression artérielle deviendra extrêmement élevée, mettant la mère et le bébé à risque. Bien que la maladie ne puisse se guérir, elle peut être gérée efficacement. La détection précoce – en mesurant le niveau d’oxygène dans le sang et la pression artérielle – est essentielle afin de dépister les premiers signes de la prééclampsie.

Même si tout cela peut sembler évident au Canada, c’est loin d’être le cas dans les régions où les ressources sont limitées. La prééclampsie durant la grossesse est la deuxième cause de décès maternels (76 000 par an) et elle provoque 500 000 décès de nouveau-nés, presque tous dans les pays en développement. Cette maladie demeure l’un des grands défis urgents et frustrants de notre époque : un état pathologique relativement facile à traiter qui est la cause de décès et de souffrances dans les pays peu dotés en ressources.

Face à une telle injustice, les Drs Mark Ansermino, Guy Dumont et Peter von Dadelszen, professeurs à l’Université de la Colombie-Britannique, ont mis au point un logiciel qui transforme les téléphones intelligents, les tablettes et les ordinateurs portables en outils de diagnostic médical mobiles capables de surveiller en temps réel les signes vitaux.

The Phone Oximeter - phone and sensorL’Oxymètre-téléphone, comme on l’appelle, utilise l’oxymétrie de pouls, une méthode qui transmet des ondes lumineuses à travers le doigt d’un patient pour mesurer le niveau d’oxygène dans le sang. Le projet a montré que cette technique de détection a amélioré de manière significative la capacité de repérer les femmes susceptibles de développer des complications, comme la prééclampsie. L’omniprésence des téléphones mobiles dans les pays en développement a ensuite rendu possible l’avènement de l’oxymètre-téléphone. Ainsi, un non-spécialiste peut utiliser un téléphone intelligent au lieu des dispositifs plus complexes et plus coûteux que l’on trouve aujourd’hui seulement dans les hôpitaux.

En 2011, le projet a reçu son premier apport de fonds important grâce à une subvention de démonstration de principe de l’initiative Sauver des vies à la naissance – un partenariat entre Grands Défis Canada, l’Agence pour le développement international des États-Unis (USAID), le ministère du Développement international du Royaume-Uni (DFID), le gouvernement de la Norvège et la Fondation Bill & Melinda Gates. Nous avons maintenant dépassé le stade de la démonstration de principe. L’oxymètre-téléphone est prêt pour une application beaucoup plus étendue et Grands Défis Canada tient littéralement le crayon.

Grâce au financement reçu du gouvernement du Canada, nous nous sommes engagés à soutenir des idées audacieuses ayant un grand impact en santé mondiale. Et lorsque nous découvrons une solution révolutionnaire, nous souhaitons vivement la déployer à grande échelle dans le but d’en catalyser la durabilité et d’en maximiser l’impact. Il n’y a pas de meilleure illustration de ce processus que l’oxymètre-téléphone : mettre des solutions transformatrices à la disposition de ceux qui en ont le plus besoin, tout en gardant l’accent sur les bénéficiaires – dans ce cas, les mères et les bébés à naître.

Dr Peter von Dadelszen in a birthing hut in BangladeshDu même coup, nous sommes conscients que les défis en santé mondiale sont trop grands pour que Grands Défis Canada puisse seul faire passer des innovations du stade du financement initial à celui de la mise à l’échelle, et/ou assurer la commercialisation et la diffusion des innovations transformatrices.

C’est pourquoi nous concentrons nos efforts à préparer des innovations pour les transmettre à la communauté des investisseurs. En mettant un accent particulier sur l’activation de « partenariats intelligents » avec les secteurs privé et public, nous jumelons les investissements de manière à partager les risques, mais, plus important encore, nous cumulons également l’expérience, le savoir et l’expertise du secteur privé pour porter des innovations à plus grande échelle. L’oxymètre-téléphone est l’un des premiers exemples de cette approche.

Retour sur 2012, l’année où j’ai fait la connaissance de Tom Walker. Dans les 10 premières minutes de notre discussion, il m’est apparu clairement que non seulement Tom avait ce qu’il fallait pour être un excellent chef de la direction, mais qu’il possédait ce que j’estime être un trait essentiel pour l’entreprise dans laquelle nous nous trouvons : la passion de faire ce qu’il faut pour sauver et améliorer des vies dans le monde en développement. Cette passion a conduit à un examen critique de plusieurs modèles et stratégies d’entreprise différents. Grâce à l’esprit d’entrepreneur de Tom, LGTmedical – une société dérivée de travaux menés à l’Université de la Colombie-Britannique – a été créé. Tom serait la première personne à souligner que l’entreprise est le fruit d’un effort d’équipe intégral qui englobe l’expertise scientifique des créateurs de la technologie, les Drs Mark Ansermino, Guy Dumont et Peter von Dadelszen.

Je ne suis pas le seul à être inspiré par la mission de LGTmedical Technologies. Quand Tom a présenté sa proposition à notre comité d’investissement, il a précisé qu’un conglomérat d’investisseurs providentiels avait vu le jour grâce au leadership de M. Irfhan Rajani. Au fil de plusieurs conversations avec M. Rajani, il est devenu clair que le groupe d’investisseurs providentiels partageait la même passion de sauver et d’améliorer des vies dans le monde en développement. Par ailleurs, le groupe a réalisé le rôle important joué par Grands Défis Canada en catalysant ce projet et d’autres. Après quelques mois de négociations, nous nous sommes entendus sur une enveloppe de 2,1 M $ où notre contribution de 1M $ entraînait un apport de 1,1 M $ sous forme d’investissement providentiel.

Tel qu’indiqué précédemment, notre objectif n’est pas seulement de lever des investissements privés, mais aussi de puiser dans les connaissances et l’expertise de l’industrie. Je siège au conseil de LGTmedical et j’ai été très impressionné par le rôle de M. Rajani à titre de président du conseil, de mentor et de champion de ce que LGTmedical cherche à réaliser. Une leçon importante que j’ai tirée de cette entreprise sociale est que la passion et l’engagement de sauver et d’améliorer des vies de manière soutenue commence au haut de la pyramide. Il s’agit d’une véritable approche mixte d’investissement valeur-impact pour relever un défi redoutable en santé mondiale.

Je suis fier d’avoir l’occasion de collaborer avec LGTmedical et à faire ce que je peux pour contribuer à son succès. Comme Canadiens, nous devons être fiers de cette innovation qui permettra de sauver des vies et lui témoigner notre soutien. Elle contribuera non seulement à sauver et à améliorer des vies dans le monde en développement, mais elle est et sera une source de création d’emplois et de croissance économique pour les Canadiens.

Soit dit en passant, nous allons avoir une fille.

À mes garçons, vous êtes mieux de retrousser vos manches. Votre petite sœur va bouleverser votre monde.


Apprenez-en plus sur LGTmedical et l’oxymètre-téléphone ou consultez le communiqué de presse annonçant cet investissement. Nous vous invitons à afficher vos questions et vos commentaires au sujet de ce blogue sur notre page Facebook Grand Challenges Canada et sur Twitter @TaylorAndrew1 @gchallenges