Auteur invité


Dr. Nathalie Charpak est pédiatre et la directrice de la Fundacion Canguro. Elle a reçu une subvention de démarrage de son projet en Colombie: Essai clinique randomisé ouvert sur les soins maternels de type kangourou en comparaison des méthodes de soins traditionnelles pour les nourrissons ayant un faible poids à la naissance. Résultats observés chez les patients à l’âge de 18 ans.


Une alternative a la méthode traditionnelle

Quatre millions d´enfants meurent chaque année dans le monde durant leur premier mois de vie et, dans plus d’un tiers des cas, ces morts ont lieu dans les pays en voie de développement et sont en relation avec la prématurité et/ou le petit poids de naissance (moins de 2500g). C’est ici que commence l’injustice. Les soins des nouveau-nés et particulièrement celui des enfants de petits poids de naissance demande un délicat équilibre entre l’utilisation de techniques de soins sophistiquées et souvent agressives et la connaissance des risques liés a l’utilisation de ces techniques pour pouvoir rendre à sa famille un nouveau-né physiquement et mentalement en bonne santé.

kc3

La méthode mère kangourou – une alternative au modèle traditionnel

La Méthode Mère Kangourou (MMK)  est une alternative a la méthode traditionnelle d’élevage de l’enfant de petit poids de naissance. Elle est née en 1978 (Dr Edgar Rey Sanabria) dans une grande maternité publique de Bogota, en Colombie, pour suppléer le manque d’incubateurs, éviter les fréquents abandons dus à une séparation prolongée mère-enfant et les infections intra hospitalières dues à la congestion du service de pédiatrie. Grace a 20 ans de recherche scientifique rigoureuse, la MMK est maintenant connue dans toutes les Unités néonatales dans le monde mais est trop souvent perçue comme une méthode pour les pauvres, pour les pays où il n’y a pas de services de nouveaux nés alors que les bénéfices qu’ elle apporte sont pour  tous les bébés prématurés et de petits poids du monde et leur famille. C’est la porte à l’humanisation des soins donnes aux nouveaux nés prématurés quels que soit le niveau de développement du pays. La MMK permet de rendre aux parents de ces enfants fragiles le sentiment et la sécurité d´être les plus compétents et les plus responsables pour soigner leur enfant une fois correctement formes par le personnel de santé.

Qu´est-ce-que la Méthode Mère Kangourou?

KCare2

Le nouveau-né prématuré doit être placé sur la peau de sa mère pendant au moins 12 heures par jour.

En bref, le plus tôt après la naissance et des que  l’enfant prématuré tolère d’être manipulé sans variation de sa fréquence cardiaque ou de son oxygénation, il est mis en position kangourou sur la poitrine de sa maman. La position est verticale, entre les seins, en contact direct avec la peau le plus longtemps possible, au moins 12 heures par jour. Si l’enfant est prématuré et immature, il doit rester dans l’incubateur quand il n’est pas sur la peau de sa maman car il ne régule pas encore sa température et peut faire une hypothermie s’il est laisse dans des couvertures sur un lit, avec le risque de faire une hypoglycémie qui peut lui abimer son cerveau. Si il n y a pas de couveuse disponible, le père, les grand parents ou d’autres membres de la famille sont les bienvenues pour porter en position kangourou ce bébé fragile 24 heures sur 24  et permettre ainsi à la maman de se reposer. Si il n’est pas prématuré mais dénutri, le risque  d’hypothermie est inferieur si il n’est pas porte en position kangourou en permanence car il régule peut être déjà sa température mais les complications sont identiques ainsi que les conseils donnes aux familles. La solidarité familiale autour de cet enfant fragile est un élément clé du succès de la MMK.

L’entraînement kangourou se déroule soit à côté de l’incubateur au tout début, soit dans une salle de l’unité néonatale où plusieurs mères portant leur bébé peuvent s’asseoir ensemble et ainsi partager les séances d’éducation. Le but de ses séances d’entraînement est de préparer la mère et l’enfant à se connaître suffisamment pour rentrer le plus tôt possible à la maison. La future mère Kangourou apprend à installer et à porter son enfant en position kangourou, à extraire son lait manuellement et à alimenter son petit correctement avec une tasse, une seringue ou au sein, dans la bonne position ou éventuellement par la sonde de gavage. Le bébé est alimenté d’abord par gavage puis directement au sein. C’est le deuxième  composant de la MMK et pas le plus facile.La  maman développe ainsi sa confiance dans ses capacités à prendre en charge son enfant. Le père et les autres membres de la famille pourront également porter bébé, en alternance avec la mère, afin de lui permettre un peu de repos.

Cet entraînement s’effectue sous la direction d’infirmières- chef, spécialisées dans la MMK et capables d’évaluer si les critères permettant à l’enfant de sortir de l’hôpital sont présents. L’entraînement collectif permet aussi aux mères les plus expérimentées de partager leurs connaissances avec les nouvelles arrivées, souvent très anxieuses et maladroites. L’interaction précoce entre l’enfant et sa mère entraîne une meilleure production de lait maternel, aliment vital pour une meilleure survie de l’enfant et ce dans tous les pays du monde.

Charpak 1

La position Kangouroo

Une fois  l’entrainement termine, les parents sont dirigés soit dans une hospitalisation mère-enfant kangourou soit ils rentrent  à la maison avec le bébé, ce dernier attaché à la mère par la bande de Lycra. Ils devront toutefois se présenter à la clinique tous les jours jusqu’à ce que bébé prenne au moins 15 grammes par kilo et par jour, après quoi ils pourront espacer leur visite à une fois semaine jusqu’à ce que l enfant atteigne la date du terme prévu pour la naissance. Ce suivi, multidisciplinaire et rigoureux représente le troisième volet de la MMK. Ce choix de 15g par Kg par jour correspond simplement a la croissance intra-utérine normale d un bébé dans le ventre de sa mère.

La consultation de suivi ultérieur de cet enfant a haut risque se programme  selon le protocole existant dans l’institution et permet de détecter l’apparition d’anomalies du développement psychomoteur ou de la vision ou de l’audition ou de la croissance somatique durant la première année de vie. La prise en charge de ces troubles est ainsi plus rapide et adaptée, afin d’éviter  l´apparition de séquelles irréparables.

La MMK est très particulière car c’est une technique née dans un pays du Sud, en Colombie, et qui a essaimé, ces 15 dernières années dans tous les pays, indépendamment de leur niveau de développement et sous différentes modalités. La première étude  expérimentale scientifique et rigoureuse qui a démontré la sécurité et l’efficacité de la MMK a été conduite en Colombie en 1994 et a montré que non seulement la MMK permettait de diminuer la mortalité infantile mais également la morbidité, permettait un meilleur développement cognitif  dans le groupe des enfants les plus fragiles, créait une meilleure relation mère enfant et favorisait l’alimentation maternelle.

Une étude ambitieuse et unique supportée par Grands Défis Canada (finance par le Gouvernement du Canada), vient de se terminer en Colombie, elle a été réalisée par la même équipe qui a évalué en 1994 cette cohorte initiale. Les jeunes de 20 ans ont été récupérés (70%), évalués sous toutes les facettes : physique, psychologique, en neuro-imagerie cérébrale en profil métabolique, en conduite sociale et familiale, en qualité de leur entourage. Les résultats préliminaires très prometteurs montrent que l’effet de protection du groupe le plus fragile persiste après 20 ans, que la modification de l’environnement a 12  mois a été la clé pour installer une ambiance familiale plus propice à un meilleure développement intellectuel a l’âge de 20 ans. L’exploration des neuro-images et la corrélation avec les différents résultats physiques et psychologiques en est aux premiers balbutiements et il faudra encore attendre plusieurs mois avant d’avoir de solides résultats dans cette recherche de pointe.

Futur de la Méthode Mère Kangourou

Notre but principal reste l’humanisation et l’amélioration des soins que nous offrons aux enfants de PPN dans le monde. Les changements culturels produits par l’introduction de la MMK dans les pratiques de santé humanisent le comportement du personnel chargé des soins de l’enfant et  modifient leur attitude vis-à-vis des familles. La relation devient celle d’une équipe uniquement préoccupée du bien-être de l’enfant où tous travaillent ensemble, dans un respect mutuel. Les parents deviennent les premiers intervenants dans le service même. La MMK leur rend confiance en eux, les rassure dans leurs compétences et leur donne les outils pour être les meilleurs soignants de leur enfant fragile. Ils sont le futur de leur enfant et notre rôle n’est pas de les substituer sinon de les appuyer.


Nous vous invitons à afficher vos questions et vos commentaires au sujet de ce billet de blogue sur la page Facebook de Grands Défis Canada et sur Twitter @gchallenges.