Peter A. Singer

Le Dr Peter A. Singer est président-directeur général de Grands Défis Canada. Le Dr Steven Buchsbaum est directeur adjoint, Science translationnelle et de la découverte, Programme de santé mondiale de la Fondation Bill & Melinda Gates. David Ferguson est directeur, Centre de l’innovation pour le développement, de l’USAID.


Avez-vous déjà eu le sentiment que vous connaissez deux amis qui iraient parfaitement ensemble? Tel est le sentiment que nous avons à propos des objectifs de développement durable (ODD) d’après 2015 et des Grands Défis. Les ODD ont trait à ce « qui » devrait être réalisé tandis que les Grands Défis portent sur « comment » les défis mondiaux peuvent être surmontés. Ils conviennent parfaitement l’un à l’autre!

Les objectifs de développement durable des Nations Unies, qui prendront le relais des objectifs du Millénaire pour le développement, définiront un certain nombre d’objectifs et de cibles à atteindre pour obtenir « le monde que nous voulons » d’ici 2030. Nous sommes à une année de la conclusion de ce processus. Actuellement, 17 objectifs et 169 cibles ont été proposés par le Groupe de travail et soumis à l’examen de l’Assemblée générale et du Secrétaire général. Il est prévu que le plan d’action pour l’après 2015 sera lancé à l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2015.

Alors que de nombreux interlocuteurs continuent à rechercher un cadre mondial efficace et ciblé, une attention sérieuse est également accordée à la mise en œuvre. Des organisations de la société civile et des entreprises du secteur privé ont été mobilisées dans le processus ouvert du Groupe de travail. Une discussion fondamentale sur la façon dont les partenaires des différents secteurs peuvent travailler ensemble pour appliquer le cadre final convenu n’est que le point de départ. Parmi les plus grandes leçons tirées des Objectifs du Millénaire pour le développement est l’importance de l’obligation redditionnelle, et le fait que l’exécution sera tout aussi importante que le cadre lui-même.

Presque simultanément aux Objectifs du Millénaire pour le développement, un autre mouvement mondial s’est amorcé autour des Grands Défis. S’inspirant du concept développé par David Hilbert pour ses grands défis en mathématiques en 1900, Bill Gates a lancé les Grands Défis en santé mondiale en 2003. En 2008, le Canada est devenu le premier pays à intégrer une approche Grands Défis à son enveloppe de développement international, lançant Grands Défis Canada en 2010. L’USAID a lancé les Grands Défis pour le développement, dont un des aspects marquants est qu’il allait au-delà de la santé et de l’agriculture pour rejoindre des domaines tels que l’énergie, l’eau et même la gouvernance. L’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud ont ensuite lancé des initiatives Grands Défis. Au cours de la dernière année, le Pérou et Israël sont devenus les plus récents pays à lancer des programmes Grand Défis, et des pays de l’ANASE envisagent activement d’adopter cette approche.

Ces programmes Grands défis diffèrent quant aux cibles qu’ils visent, mais ils ont tous cinq principes clés en commun :

1. Des Grands Défis stratégiques et bien articulées servent à la fois à concentrer les efforts de recherche et de développement, et à capter l’imagination et mobiliser les meilleurs chercheurs et innovateurs au monde.

Le modèle des Grands Défis met l’accent sur la recherche de solutions à des problèmes bien définis. L’initiative porte ces problèmes à l’attention des communautés de solutionneurs concernées, tant les personnes que les organisations, et sollicite des approches créatives et d’avant-garde pour aborder des problèmes qui, s’ils sont résolus, pourraient considérablement améliorer le monde dans lequel nous vivons.

2. Les projets sont sélectionnés par appels de propositions publics et transparents destinés à faire ressortir les meilleures idées.

Les programmes Grands Défis ne prétendent pas connaître les solutions aux problèmes de développement les plus pressants dans le monde, mais ils sont prêts à prendre des risques et à investir pour créer de nouvelles solutions. Le modèle des Grands Défis vise à mobiliser de nouveaux solutionneurs ayant des idées fraîches.

3. Les bailleurs de fonds, les innovateurs et les autres parties prenantes collaborent activement pour accélérer les progrès et promouvoir des avancées, en s’assurant qu’ils servent les personnes qui ont les plus grands besoins.

Les secteurs public, privé, universitaire et sans but lucratif doivent travailler ensemble pour accélérer et déployer les innovations susceptibles d’améliorer la vie des personnes les plus dans le besoin.

4. Les projets sont sélectionnés non seulement en fonction de leur excellence scientifique, mais aussi de la probabilité qu’ils atteindront l’échelle et l’impact souhaités.

Les candidats retenus soumettent des projets qui, lorsque leurs chances de succès sont démontrées par la collecte de données rigoureuses, ont le potentiel de servir les plus démunis. Investir dans l’innovation scientifique – ainsi que dans l’innovation commerciale et sociale nécessaire pour accroître l’impact à l’échelle – permettra d’assurer que ces efforts ont le plus grand impact possible en termes de vies sauvées ou améliorées.

5. Les chercheurs et les innovateurs travaillent pour s’assurer que les fruits de leurs projets sont accessibles et disponibles aux personnes les plus dans le besoin.

Promouvoir les liens avec l’industrie, que ce soit en aidant à réunir les secteurs privé et public ou en finançant directement une entreprise, peut créer des entreprises durables et réduire le temps qui s’écoule entre la découverte, le développement, la production et l’impact. Un élément essentiel est d’élaborer des stratégies d’accès mondial pour faire en sorte que les personnes les plus dans le besoin bénéficient des nouvelles solutions.

Le cadre de développement d’après 2015 concerne l’avenir que nous voulons, et cet avenir ne peut se concrétiser sans innovation. L’approche des Grands Défis offre un moyen prometteur d’atteindre les Objectifs de développement durable.


Cet article a également été publié dans le Global Health and Diplomacy Journal (numéro de l’automne 2014).